enjouée, le rajeunissent de vingt ans. Le bonhomme enlève rapidement son veston, retrousse la manche de sa chemise de flanelle bigarrée, et il nous exhibe une énorme tumeur qui avait envahi presque toute la longueur de l’avant-bras gauche. « Je viens, dit-il, de Varennes. On m’a dit qu’il y avait des fameux médecins à Montréal. Je viens voir s’ils peuvent m’enlever ce petit bobo-là. Mais écoutez, je ne veux pas être endormi ; le chloroforme, c’est bon pour les jeunes d’aujourd’hui et non pour les vieux de mon temps ».
« Malgré toutes les remontrances et tous les raisonnements de Brosseau, le vieux de l’ancien temps ne veut pas rester à l’hôpital pour subir les préparatifs d’une grande opération. Il exige qu’on l’opère immédiatement, séance tenante. Brosseau ne veut pas ; il se récuse. Le bonhomme insiste tant que Brosseau finit par céder, certain que l’opération n’abrégera pas les jours du vieil entêté. Le vieux ne veut pas se coucher sur la table d’opération ; il reste debout, le bras appuyé le long de la balustrade de l’amphithéâtre. On lui nettoie le bras comme on le faisait dans le temps avec de l’eau et du savon et une solution d’acide phénique. Brosseau prend trois aiguilles longues et très fortes, y enfile de la grosse soie torse et il passe les aiguilles à égales distances, à travers la base de la tumeur ; puis il dégage les aiguilles et ligature fortement la tumeur en quatre lobes. D’un