Aller au contenu

Page:Cotret - Les voies de l'Amour, 1931.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
221
les voies de l’amour

but. Je pensais moins à la vengeance qu’à l’amour passionné que j’éprouvais pour celle qui avait un jour refusé le baiser d’un insolent. J’aimais à la folie cette petite pudique ; je la voulais et je l’aurais, et mon ami n’aurait pas à me reprocher ma traîtrise puisque je lui donnais en échange une jeune fille qu’il finirait par trouver de beaucoup supérieure bien qu’en réalité sa condition fût bien inférieure. Le moyen le plus sûr d’arriver à mon but était d’intercepter la correspondance des deux amis, de leur laisser parvenir, à intervalles de plus en plus rares, certaines lettres dont j’aurais effacé quelques lignes pour les remplacer par d’autres. Les sentiments tendres, les belles pensées, les mots agréables disparaissaient sous l’application d’un liquide spécial et étaient remplacés par des expressions vagues, sans chaleur comme sans amour. Parfois les mots étaient piquants, mordants et tout à fait désagréables. Quand je lisais la réponse à ces lettres transfigurées, j’étais content de constater le changement qui s’opérait dans l’esprit et les sentiments des deux amoureux, surtout du côté de mon ami qui ne manqua jamais de me montrer ces lettres. Tout d’abord il en conçut un grand chagrin, mais il finit bientôt par n’en plus concevoir aucune inquiétude, c’est que son amour pour la jeune fille de la pension augmentait sans cesse, tandis qu’il pensait de moins en moins à l’amie dont l’amour semblait se refroidir.