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les voies de l’amour

« Toutes les lettres que mon ami recevait lui arrivaient pendant qu’il était aux cours de l’Université et elles m’étaient apportées soit par une des jeunes filles de la pension, soit par la petite servante à qui je donnais toujours quelques sous. Je me chargeais presque toujours de jeter dans la boîte aux lettres celles que mon ami envoyait. Aussi étaient-elles rares celles qui ne me passaient pas entre les mains pour être lues et transformées. C’est ainsi que pendant toute la première année je trompai mon ami qui ne s’aperçut jamais de la fraude. Même plus que cela, j’eus quelquefois l’audace d’écrire à la petite villageoise des lettres dans lesquelles je lui décrivais la conduite scandaleuse de son ami avec la jeune fille de la pension qu’il aimait d’un fol amour. Je lui disais qu’il ne parlait plus jamais d’elle ou, quand il osait le faire, c’était comme s’il ne l’avait jamais aimée. Je disais à la petite villageoise comme j’étais chagrin et désolé de son malheureux sort. Je compatissais à sa peine. J’en souffrais peut-être autant qu’elle parce que je n’aurais jamais cru qu’un si bon ami pût oublier autant et si vite. Je l’avais pensé toujours si sincère dans son amour que je ne comprenais pas qu’il pût être aussi ingrat et aussi parjure. Je lui démontrais de cent manières que cet amour pour une jeune fille de condition médiocre n’était que passager, que le feu qui le consumait avec tant d’ardeur n’aurait qu’une durée éphémère et que de