Page:Cottin - Œuvres complètes, Ménard, 1824, tome 12.djvu/195

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parce qu’elle avait besoin de lui, ne la regardait seulement pas, parce qu’il n’avait pas besoin d’elle. Elle se hasarda à aller frapper à la porte des plus pauvres réduits, partout elle fut rebutée : l’espoir de faire un gain considérable pendant les fêtes du couronnement avait fermé le cœur des moindres aubergistes à la charité : jamais on n’est moins disposé à donner que quand on se voit au moment de s’enrichir.

La jeune fille revint s’asseoir auprès du grand feu de la place du Kremlin ; elle pleurait en silence, le cœur oppressé, et n’ayant pas même la force de manger un morceau de pain qu’une vieille femme lui avait donné par compassion. Elle se voyait réduite à ce degré de misère où il lui fallait tendre la main aux passants pour en obtenir une faible aumône, accordée avec distraction, ou refusée avec mépris. Au moment de le faire, un mouvement d’orgueil la retint ; mais le froid était si violent, qu’en passant la nuit dehors, elle risquait sa vie, et sa vie ne lui appartenait pas. Cette pensée