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Le Québec Central à son tour, prenant en écharpe le haut du comté de Beauce, pénètre dans Bellechasse et longe la frontière jusqu’au lac Témiscouata, ouvrant à la colonisation les superbes plateaux des Alleghanies.

Le pays traversé par ces deux voies nouvelles n’est que le prolongement des Cantons de l’Est, il en a le caractère topographique et climatérique, il en aura sans doute la prospérité.

Voilà de la terre. Si le marchand de bois y est déjà installé en maître, ce n’est pas pour longtemps, le chemin de fer ne tardera pas à venger le colon évincé ou tenu à distance.

Pendant que ces pays nouveaux absorberont une jeunesse nombreuse, on peut travailler à la réforme de l’agriculture, et préparer ainsi de la terre disponible pour le jour où les nouvelles colonies auront tout absorbé.

Mais voici une autre difficulté, c’est qu’il faut compter avec l’inertie des gens de campagne. Oh ! mais non. Nous n’en croyons rien, le cultivateur canadien ne sera pas un obstacle à la réforme, au contraire. Il est vrai qu’à la campagne on n’aime pas beaucoup la nouveauté, que l’évolution y est toujours très lente et très prudente. Et, c’est très bien cela, c’est une base solide pour fonder des choses durables. Mais, d’un autre côté, le cultivateur canadien est un homme avisé, il a l’œil ouvert, et quand il voit son intérêt dans une affaire il n’hésite pas. Nous l’avons bien vu dans l’établissement de l’industrie laitière. Avec quelle rapidité elle a pénétré partout le jour où ses avantages ont été connus !

C’est que notre cultivateur a quelque chose du paysan français et du normand. Barrès disait de nous l’autre jour : « La plupart prennent leur souche dans notre réaliste Normandie et dans le raisonnable Poitou. L’homme de Normandie apportait au Nouveau Monde une robuste volonté de vivre, sa ténacité, sa discipline, son esprit des affaires supérieur, m’assure-t-on, à celui des anglais et des yankees. »[1]

Du reste, personne n’est plus évolutionniste que l’homme des champs. « C’est un perpétuel novateur, disait le vicomte d’Avenel, sans cesse dérangé dans ses calculs par des événements qu’il n’a pu prévoir et forcé sans cesse d’imaginer de nouveaux plans.

« Chez nous cet état de choses est aussi ancien que notre civilisation et il ne finira qu’avec elle. En Amérique il com-

  1. Le Gaulois, Paris, 12 déc. 1908.