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mence. Comme les transformations agraires se font à petit bruit, par petits coups, on a peine à retrouver la trace d’une forêt abolie, ou d’un carré de bruyère remplacé par un carré de choux ; mais le passé rural est plein de changements de culture d’une même terre à travers les âges et les vicissitudes causées par des concurrences nouvelles. Les partis successifs que l’agriculture a su tirer du sol français, l’emploi qu’elle en a fait depuis des siècles ont été des plus variables.

« Elle a déboisé et ensuite reboisé, creusé des étangs pour les dessécher ensuite, substitué des céréales au pâturages, puis la vigne au céréales, puis les prairies à la vigne ou les cultures industrielles à la prairie. Le tout sous mille influences économiques, politiques ou fiscales. Et l’avenir nous réserve à coup sûr d’autres avatars dont nous n’avons pas la moindre idée encore, de ces mottes de terre dont on a fait jusqu’ici du pain, des bûches, des gigots, de l’huile, de la soie, du papier, du sucre : dont on a fait tant de choses qu’on ne fait plus, du moins au même endroit, dont on a déjà fait tant de choses qu’on ne faisait pas il y a deux, quatre cents ans. »[1]

Évidemment pour « enfanter ainsi, parfois dans la douleur, mais sous l’aiguillon de la nécessité des inventions nouvelles », il faut un travail d’initiation très fort et très énergique, en même temps qu’une souplesse, un empressement et une ambition plus qu’ordinaires. Mais nous avons confiance dans notre vigoureuse et intelligente race de cultivateurs.

L’auteur de Jean Rivard écrivait autrefois : « Quant à la connaissance de son art, c’est-à-dire la science agricole, je voudrais qu’elle lui fut aussi familière que les connaissances légales le sont à l’avocat et la médecine aux médecins. On pourrait dire que c’est un rêve que je fais là. Quelque chose me dit pourtant que ce n’est pas chose impossible. On peut dire à l’heure qu’il est, que la grande moitié de nos cultivateurs canadiens, pourraient, s’ils avaient reçu l’instruction élémentaire nécessaire, consacrer deux, trois et quatre heures par jour à lire, à écrire, à calculer, étudier ; aucune classe n’a plus de loisir, surtout durant nos longs mois d’hiver. »[2]

Cette page a été écrite il y a près de cinquante ans. Depuis une partie du rêve de l’auteur s’est réalisé, l’instruction primaire a pénétré partout ; et on peut affirmer qu’il existe

  1. Vicomte d’Avenel. Les États-Unis, ch. 1.
  2. Jean Rivard, p. 121.