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absence de méthode. Il pourrait en être autrement aujourd’hui que l’agriculture est devenue une science, comme le droit, la médecine, et une science pratique, qui permet de réussir et de vivre sur une étendue de terrain beaucoup plus restreinte.

C’est donc un aspect nouveau de ce problème qui se pose depuis si longtemps. Qui sait s’il n’y aurait pas là le germe ou le principe d’une solution ? Du reste, il est probable qu’il s’imposera forcément à la considération de nos économistes et de nos législateurs avant longtemps.

La division du travail s’impose de plus en plus à toutes les classes et tous les états ; on marche vers la spécialisation la plus exclusive. De même que l’ancien ouvrier de nos campagnes ne peut plus être un charpentier, un menuisier, ou un ébéniste à quelques heures d’intervalle, de même le cultivateur ne pourra peut-être continuer longtemps la culture des choux et des carottes, prendre soin des prairies et pâturages, produire du beurre et du miel, et se faire en même temps l’orgueilleux éleveur de superbes animaux de race.

Alors sans se gêner, mais en se tassant un peu, tout en faisant un labeur moins pénible, on ferait de la place pour les autres, les frères et les amis, et là où ne se dresse qu’un seul foyer, on installerait deux ou trois familles canadiennes-françaises.

On a beaucoup parlé des canadiens émigrés aux États-Unis, et on attribue leur départ aux hostilités dont nous parlions tout à l’heure. C’est une solution un peu facile et un peu expéditive d’un problème autrement complexe, et dans lequel la Providence pourrait bien avoir quelque chose à dire.

Ne nous laissons pas prendre aux apparences. Ce n’est pas la terre qui a manqué à ces braves gens. Interrogeons-les — nous les connaissons bien pour avoir vécu longtemps près d’eux. — La plupart étaient propriétaires de belles fermes qu’ils tenaient de leurs parents ; ils y ont vécu. Beaucoup ne devaient rien à personne ; la libre et entière jouissance ne leur en était nullement contestée. Et cependant, ils sont partis ! Pourquoi ? À peu près tous vous diraient : « Mais nous ne pouvions plus vivre à la campagne, la terre ne payait pas. »

Il en est de même pour beaucoup d’anciens colons qui habitaient jadis un coin de la forêt en libre possession et libre jouissance ; ils pouvaient le défricher à leur aise, sans