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les royaumes barbares d’occident

être pour lui les plus précieux des inspirateurs. Les Cassiodore, père et fils, étaient alliés, bien que de lointaine origine syrienne, à toutes les grandes familles romaines. Romain avant tout et ne manquant pas de caractère, Cassiodore le père avait été souvent consulté par Odoacre. Il était ce qu’on pourrait appeler un opportuniste de distinction. Son intervention retint les Siciliens d’entrer en lutte contre Théodoric à l’arrivée des Goths et celui-ci en conçut une vive reconnaissance. Il combla d’honneurs Cassiodore et sa famille. Ainsi, après avoir vu des barbares servir de conseillers et de confidents aux derniers empereurs romains, c’étaient maintenant des patriciens de Rome qui remplissaient le même office auprès des rois barbares.

Bien qu’il n’en existe jusqu’ici aucune preuve définitive, on peut tenir pour acquis que Cassiodore le père fut l’initiateur de la politique d’union entre tous les royaumes barbares qui devait être la « grande pensée » du règne de Théodoric. Celui-ci n’aurait pu concevoir à lui seul une pareille politique. Il est curieux que la notion de l’unité de race n’ait pour ainsi dire point existé parmi les barbares. Ils s’enrôlaient les uns contre les autres sans hésitation et se battaient comme des frères ennemis qui auraient ignoré leur parenté. Cassiodore voulait faire du gouvernement de Ravenne le centre d’un nouvel ordre de choses en occident. Il noua donc une série d’ententes familiales et politiques. Théodoric épousa une sœur de Clovis roi des Francs, maria sa propre sœur au roi des Vandales, ses deux filles aux rois des Wisigoths et des Burgundes ; enfin il s’attacha par des présents et une sorte « d’adoption militaire » en usage chez eux, certains chefs germains. Seulement un évènement survint qui trompa les calculs de Cassiodore. Tous ces souverains appartenaient à l’arianisme hormis Clovis resté païen. Or en 496, le roi des Francs se convertit mais à la foi romaine. Nous aurons occasion plus tard de revenir sur cet évènement de grande importance. Il rompit le faisceau projeté. Toute l’Église d’occident qui supportait avec peine le joug hérétique se tourna vers le roi franc et l’appuya.

Du reste pour favoris que fussent les Cassiodore, Théodoric n’avait point abdiqué entre leurs mains ses ambitions guerrières. Sitôt son trône consolidé, il tourna ses armes vers ses voisins du nord et de l’est. Il poussa assez loin ses conquêtes. En 504 ses États comprenaient en plus de l’Italie et de la Dalmatie, la Bosnie, l’Autriche et une partie de la Hongrie. À peine un tel empire contentait-il ses ambitions. Certains faits montrent qu’il eut volontiers conquis au-delà, au mépris de toute prudence.