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histoire universelle

tive soit par certitude d’y échouer, le développement de la race ne subit sous leur domination aucune atteinte.

Le cadre de cette domination fut créé par l’initiative d’Aboul Abbas qui inaugura la dynastie dite des Abbassides. Descendant d’un oncle de Mahomet, il pouvait se réclamer du prophète avec plus de raison que les califes de Damas. Et par ailleurs, il avait partie liée avec les Perses. Proclamé à Merv, il appela l’Iran aux armes. Bientôt il eût sous ses ordres des forces assez considérables pour pouvoir attaquer le calife, le jeter bas et prendre sa place (750). Autour de lui l’élément persan devint aussitôt prépondérant. Bagdad bâtie près de Ctésiphon et de Séleucie pour devenir le siège de l’administration fut aussi le centre d’iranisation du nouveau califat. Effectivement les vizirs persans se comportèrent dès lors en véritables maires du palais ; ils furent presque des « shogouns », parfois. Sous leur impulsion, l’ancienne organisation persane fut remise sur pied. Parmi les califes, un seul, le célèbre Haroun al Raschid (786-809) voulut réagir. Il le fit d’ailleurs par des moyens peu louables. Or après lui, le jeune El Emin, pour avoir voulu imiter son père, fut renversé dès la quatrième année de son règne et remplacé par le second fils d’Haroun, El Mamoun (813-833) tout acquis aux Iraniens. Rien ne prouve mieux à quel point ceux-ci étaient demeurés les maîtres.

Il y eut à ce moment une sorte de rapprochement entre Byzance et Bagdad. Les deux cours n’étaient pas éloignées de se considérer comme les gardiennes d’une même civilisation, quitte à se battre encore de temps à autre pour leurs credos différents. De fait, au milieu, de la barbarie grandissante, alors que partout ailleurs la culture était en recul, il n’existait plus dans le monde que trois foyers lumineux où s’affirmât le progrès humain. C’étaient Byzance, Bagdad et Singanfou. Mais ce dernier centre était trop loin, trop séparé pour coopérer avec les deux autres. Ceux-ci, au contraire, pouvaient voisiner. Aussi bien les préventions iraniennes contre l’hellénisme s’étaient-elles émoussées. L’aristocratie arabe était nourrie de connaissances grecques, de science, de philosophie, de littérature grecques. Les nestoriens avaient poursuivi leur œuvre, se maintenant en bons termes avec les Abbassides comme jadis avec les Sassanides ; par eux l’intelligence arabe avait été comme arrosée de suc grec. Par là aussi les Iraniens avaient été amenés à désarmer quelque peu. Du moins ne s’inquiétaient-ils plus des ambitions byzantines. Et puis chez les uns comme chez les autres devait exister une crainte instinctive