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empires de l’ouest : perse

de ce péril commun qui s’était pour ainsi dire massé à la frontière orientale de l’Iran : le péril turc.

Chose étrange ! Ce fut à l’intérieur qu’on le vit d’abord prendre corps. Le calife Mamoun avait eu l’imprudence d’entretenir à Bagdad une garde prétorienne turque dont l’importance numérique et les prétentions allèrent croissant. Motawakkel devenu calife en 833 se laissa circonvenir par ces soudards. Il était lui-même grossier et brutal. Son règne de vingt-huit années marqua la défaillance ultime du califat et prépara l’avènement du régime turc. Mais le génie persan n’était jamais en peine..… Du reste, de cette longue période écoulée depuis l’avènement des Sassanides, de ces six cent cinquante ans d’un essor national à peine entravé par l’aventure de 637, il sortait fortifié à jamais. Ni le changement d’étiquette religieuse ni la concurrence parfois redoutable de la langue arabe ne l’avaient amoindri. Quand l’armature abbasside céda, il se trouva que, sous la très vague suzeraineté d’un calife désormais impuissant, des principautés quasi indépendantes s’étaient formées ou se trouvaient en voie de formation au Khorassan, dans la région de Samarcande ou bien au sud à Chiraz ou à Ispahan. À côté de trônes éphémères, il y eut là des dynasties durables. Curieuse féodalité. De ces princes les uns étaient des aventuriers de profession, d’autres de simples ouvriers comme le légendaire Yacoub, d’autres des aristocrates de très vieille souche : mais tous de purs iraniens, imbus de la même doctrine, pénétrés de la même passion : défendre la civilisation persane, préserver la race et la langue, maintenir l’art et les lettres. Tout cet effort ne fut pas perdu. Lorsque l’invasion turque s’affirma inéluctable, les nouveaux conquérants impressionnés une fois de plus par le prestige du raffinement iranien, étaient prêts à le respecter et même à tenter de s’en revêtir.

Les Seldjoucides, horde turque, s’étaient infiltrés depuis quelque temps dans l’est iranien quand ils s’ébranlèrent sous l’impulsion d’un chef d’une ambition forcenée, Togroul Beg. Ils s’emparèrent de Merv (1031) puis de Nichapour et ayant repoussé les Afghans à la bataille de Dindakan (1039) en acquirent à la fois beaucoup d’orgueil et un réel prestige. En 1051 Togroul Beg prit Ispahan et en 1055, il entrait dans Bagdad les prétoriens turcs à la solde de califes intimidés faisaient maintenant la loi. Le califat pourtant jouissait encore, au point de vue religieux, d’une autorité