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histoire universelle

friables, ils n’eurent jamais qu’une vie éphémère. Les Chinois ne paraissent pas s’être préoccupés de les rendre durables. La pérennité architecturale ne répond point à leur conception de la vie. Le monument est à l’usage de la génération qui l’a élevé. C’est assez qu’il dure autant qu’elle. Ainsi se marque une fois de plus cette particularité de l’esprit chinois : l’absence d’intérêt pour la descendance. On ne songe guère à ceux qui viendront. Le sentiment héréditaire est pour ainsi dire « retourné » vers ceux qui furent. Ceux-là sont associés constamment aux actions des vivants et lorsque la noblesse est conférée à un citoyen, ce sont ses ancêtres qui en profitent. L’honneur accordé rejaillit sur eux ; ils sont anoblis rétrospectivement.

Pour en revenir à la Chine des Tang, un écrivain français a pu dire justement qu’elle fut alors « le premier empire du monde ». Mais elle ne pouvait le rester qu’à la condition d’avoir une série de souverains dignes de succéder à Taï Tsong. Ce ne fut point le cas. La situation n’était pas facile à maintenir. Car si au Thibet et en Mongolie se tenaient des hordes qui, n’entendant que le langage de la force, pouvaient du moins demeurer dans l’obéissance tant que cette force se faisait sentir à côté d’elles, le Turkestan comprenait des principautés réellement civilisées et dont la vassalité reposait principalement sur le prestige et l’excellence du gouvernement impérial. Depuis, en effet, que les Han avaient les premiers poursuivi l’annexion du Turkestan, ce pays s’était grandement développé. La persistance de nombreux éléments aryens, le très proche voisinage des établissements grecs de Bactriane, enfin des relations fréquentes avec l’Inde en avaient fait un véritable foyer d’art et de pensée. Et sa situation géographique lui permettait de refléter et de répandre comme l’eût fait un miroir, la lumière qu’il recueillait ainsi d’une triple source. D’autre part, en Chine même, le péril provenait de l’affaiblissement graduel de l’élan militaire indispensable à la conservation d’un patrimoine si vaste et si divers. Cet affaiblissement était presque fatal parce que le tempérament chinois, très sensible aux séductions de la richesse, se laisse aisément détendre à son contact. De la sorte se posait devant les empereurs Tang l’ensemble de problèmes qui, à travers les siècles, a constitué ce qu’on peut appeler : la question chinoise.

Ming Houang (712-756) le seul d’entre eux après Taï Tsong qui fut capable d’y faire face a été souvent comparé à Louis XIV. Il en eut certaines qualités et certains défauts ; surtout leurs destins évoluèrent de façon identique. Après de fécondes victoires