Son renversement fut le fait d’un fils de paysan, novice dans un couvent bouddhiste et que son patriotisme hardi fit sortir de sa pieuse retraite et plaça à la tête des rebelles. La Chine du sud, démocratique autant qu’intellectuelle et commerçante, fut bientôt groupée derrière lui. Après douze ans de lutte la libération fut complète et le paysan devenu empereur sous le nom de Hong Wou inaugura la plus nationale des dynasties chinoises, celle des Ming (1368-1643). De semblables restaurations ne s’accomplissent pas d’ordinaire sans provoquer de vifs mouvements réactionnaires. Mais cette fois contre qui, contre quoi réagir ? Les princes mongols n’avaient pas porté la main sur les principales institutions chinoises ; ils en avaient respecté la lettre sinon l’esprit. C’étaient des ruines morales qu’il aurait fallu relever. La Chine ne le comprit ni ne l’osa. Après un bref sursaut d’énergie panasiatique sous le règne de l’empereur Yong Lo (1412), elle se laissa progressivement pénétrer par la méfiance, la peur, la jalousie. À l’extérieur le moins d’intervention possible. À l’intérieur, le fonctionnarisme de plus en plus étendu et médiocre. Un jour vint où un véritable prolétariat intellectuel se révéla. Il y eut des milliers de candidats évincés et mécontents autour de chaque fonction. Peu à peu on versait dans l’ornière xénophobe. Lorsqu’au xvie siècle, les Espagnols et les Portugais tentèrent de nouer des relations avec les ports du sud, on leur marqua le plus grand éloignement ; et l’accès du reste du pays leur fut tout à fait interdit. Point encore d’intolérance religieuse. Le bouddhisme seul excitait la haine des lettrés qui marquaient au contraire de la bienveillance aux chrétiens, les missionnaires jésuites ayant eu l’habileté d’accorder leurs prédications aux principes essentiels du confucianisme. De ce confucianisme restauré rien de fécond ne sortait. Un général-philosophe voulut en déduire une morale d’action. Vivre c’est agir, disait cet honnête homme. Ne descendait-il pas de cet autre général-artiste qui, bien des siècles auparavant, guerroyant à la frontière assemblait les chefs vaincus et leur montrait ses tableaux pour les gagner du même coup à la culture chinoise.
Le peuple, lui, jouissait du repos après tant d’agitation. Il était heureux. Il le fut encore après 1644 malgré que la violence et la trahison combinées eussent placé sur le trône une dynastie mandchoue. Les premiers empereurs de cette lignée, Kang Hi (1662-1722), Kien Lung (1736-1795) furent d’ailleurs des hommes remarquables qui surent consolider par des victoires opportunes la domination chinoise sur l’Asie centrale et par là