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les royaumes barbares d’occident

enrôla des mercenaires (à la solde de trois sous d’or par semaine) pour tenir garnison en Provence.

Sur ces entrefaites la mort de Clovis (511) et le partage de ses États ayant une fois de plus modifié la situation, Théodoric se retrouva libre de ses mouvements. Il s’empressa de se tourner contre l’Église dont il voulait empêcher la réconciliation définitive avec l’empire. Il la persécuta sans scrupules. Il n’avait rien d’un libéral. Au début de son règne, il avait enlevé le droit de tester aux anciens partisans d’Odoacre ; puis les Cassiodore l’avaient ramené à des pratiques gouvernementales plus intelligentes. Néanmoins les libertés dont jouissaient ses sujets n’avaient jamais été grandes. Il leur fallait une autorisation des magistrats pour sortir de la ville où ils résidaient : contrainte singulière sous un régime qui — par exemple en organisant des services postaux réguliers — savait se montrer progressiste. Sur la fin, Théodoric se laissa aller à d’inexcusables violences. C’est alors que pour terroriser le sénat romain, il fit saisir et mettre à mort le plus digne et le plus illustre de ses membres, Boetius que l’antiquité de sa race, sa haute situation, sa science, son éloquence et ses vertus recommandaient au respect de tous. Boetius est une de ces figures que l’histoire néglige à tort. Sa sage modération aux jours heureux n’eut d’égale que sa grandeur d’âme dans l’infortune. Le livre « De la consolation de la philosophie » écrit en prison est de ceux qui honorent l’humanité. Théodoric se saisit ensuite de la personne du pape Jean Ier et l’envoya à Byzance réclamer la réouverture des églises arianistes. Jean n’ayant obtenu qu’une demi-tolérance pour les coréligionnaires du roi barbare se vit, au retour, jeté en prison. Il y mourut. Théodoric venait de signer un décret attribuant aux arianistes dans toute l’Italie les basiliques des Latins lorsqu’une maladie foudroyante l’enleva en trois jours (526) comme allait s’ouvrir à Byzance le règne de celui auquel il était réservé de détruire son œuvre, Justinien.

Théodoric laissait pour héritier le fils d’une de ses filles, Athalaric, qui régna sous la régence de sa mère Athalasunthe. Quant à l’espèce de ligue amicale dont il avait poursuivi la réalisation, on en était plus éloigné que jamais. La discorde régnait partout. Les barbares se montraient décidément incapables de suivre une politique pondérée et un peu prévoyante. On en eut une nouvelle épreuve. Athalasunthe élevait sagement son fils en prince romain et Cassiodore dont la fortune avait survécu à tant de péripéties, plaçant toutes ses espérances sur le front du jeune Athalaric, entrevoyait dès alors le but vers lequel, plus tard,