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dominé à Palmyre avec Odenath et Zénobie… mais alors ils n’avaient ni conscience de leur unité ethnique ni conviction religieuse passionnée tandis que Mahomet venait de leur donner l’une et l’autre. Ils continuaient par contre de ne posséder ni formules gouvernementales ou administratives ni traditions pédagogiques à implanter au dehors ; au vrai ils n’en auraient jamais. On allait les voir se pénétrer peu à peu des formules et des traditions des peuples conquis par eux et servir par là les civilisations que, d’abord, ils voulaient détruire. Mais ils présentaient une nouveauté redoutable : des armées fanatisées aux mains de chefs religieux ne dépendant que de leur propre vouloir. Les premiers « califes » (635-661) furent ainsi à même de conduire sans aucun frein leur entreprise guerrière. En peu d’années, ils devinrent maîtres de la Syrie, de la Palestine et de l’Égypte. L’an 637 Omar, le plus célèbre d’entre eux s’empara de Jérusalem et sa mosquée s’éleva sur l’emplacement qu’avait occupé le temple de Salomon. Puis leurs troupes débordèrent à droite sur la Perse et à gauche sur la Cyrénaïque. Elles parcoururent d’un bout à l’autre l’Afrique du nord et dès 710 pénétrèrent en Espagne. Le croissant était dessiné.

Or jusque là nul n’avait su vaincre ces conquérants soulevés par leur foi et devenus, pour la servir, persécuteurs et sanguinaires. Soudainement leur étonnante fortune atteignit ses limites. En 718, après une année d’efforts acharnés, les Arabes furent repoussés de Byzance qu’ils voulaient prendre ; et quatorze ans plus tard, en 732 à l’autre bout de l’Europe, ayant franchi les Pyrénées et s’étant avancés jusque vers la Loire, ceux d’Espagne subissaient près de Poitiers une retentissante défaite. Les noms de l’empereur byzantin Léon III et du héros franc Charles Martel sont attachés à cette double victoire de la chrétienté. Les conséquences en furent promptes et considérables. Le croissant s’effrita. En 755 la dynastie des califes qui gouvernaient le monde arabe de leur capitale, Damas, fut renversée. On les appelait du nom de l’un d’eux les « Omniades ». Les « Abbassides » qui prirent leur place, se créèrent une nouvelle capitale, Bagdad sur le Tigre. L’année suivante, les « émirs » qui depuis 716 étaient à Cordoue les représentants des califes se proclamèrent indépendants. Dès lors Bagdad et Cordoue s’ignorèrent. Pour compléter la désagrégation, la ville sainte de Kairouan fondée en 669 devint vers 800 une sorte de principauté autonome. Puis ce fut, au Maroc, un arabe du nom d’Edriss qui en 789 déchaîna une guerre religieuse contre les tribus indigènes dont beaucoup suivaient le culte chré-