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les arabes

tien ou le culte juif ; ayant réussi, il s’érigea lui aussi en prince souverain. Son fils devait être le fondateur de Fez (808). Enfin en 916 un « mahdi » ou prédicateur, moitié moine, moitié soldat leva en Égypte l’étendard de la révolte et devint le fondateur de la dynastie dite des Fatimites dont le Caire, bâti en 968, fut la capitale.

Le monde arabe ainsi disloqué, l’unité s’en trouva irrémédiablement compromise. Sur ce point la religion donne l’illusion contraire mais ce n’est là qu’un trompe l’œil. La foi musulmane, sans doute, ne fut pas entamée. Sa simplicité même la défendait. Qu’il y eût plusieurs califes au lieu d’un seul n’ébranla point la constance des fidèles ; le nombre des mosquées ne s’en trouva pas diminué mais nul génie proprement arabe ne fleurit au pied de leurs minarets ; des goûts, des tendances se prononcèrent qui trouvèrent à s’alimenter dans les traditions des peuples momentanément subjugués : mésopotamiens et syriens, grecs et byzantins, persans, égyptiens. C’est par leur aide que se forma le trésor de connaissances dont les Arabes furent les intelligents conservateurs. Ces connaissances, ils surent les rapprocher, les classer, les perfectionner à une époque où l’occident barbarisé et ruiné se montrait incapable de rétablir la culture antique et de faire valoir l’héritage classique. Eux-mêmes, nous l’avons dit, n’étaient point des barbares ; leur langue perfectionnée, l’amour et l’habitude de la poésie les prédisposaient à ce rôle de médiateurs qui fut si utile à l’Europe. Ce qui est assez étrange c’est que, enclins à la littérature, ils s’en soient plutôt détournés au profit des sciences et de la philosophie aristotélienne.

Il faut peut-être voir là une conséquence de ce qu’on pourrait appeler la tyrannie coranique. Le coran, comme chacun sait, est le recueil des enseignements de Mahomet. Le désordre des versets souvent obscurs, parfois même inintelligibles ne nuit pas à la beauté littéraire de l’ensemble. L’éclat des images, l’impétuosité de la pensée, la grâce de maints passages font du coran une œuvre impressionnante. Rendu public au lendemain de la mort du prophète par les soins de son successeur, le coran fut aussitôt l’objet de la vénération générale. Il devint le livre unique des Arabes ; ceux-ci le relurent indéfiniment et l’apprirent par cœur ; chaque mot leur en parut inspiré. On prête au calife Omar accusé par la postérité d’avoir livré aux flammes les manuscrits de la bibliothèque d’Alexandrie — désastre irrépa-