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rable ! — cette parole insensée : « Ou bien, ils (les manuscrits) contiennent la même chose que le coran et alors ils sont inutiles ; ou bien ils contiennent autre chose et alors ils sont nuisibles. » L’exactitude de l’anecdote a été contestée mais elle dépeint assez bien l’état d’esprit des chefs arabes au début de leur épopée. Plus tard lorsque, rassassiés de victoires, ils se furent fixés sur les terres conquises, leur obscurantisme s’atténua. La finesse innée de la race reprit le dessus. Les souverains qui régnèrent à Bagdad s’entourèrent de savants et de chercheurs ; leurs cours devinrent des foyers de brillante culture mais l’esprit qui y domina demeura orienté vers l’exact et le pratique et dans la faveur alors marquée aux écrits d’Aristote, on reconnaît le souci encyclopédique si caractéristique de la civilisation arabe. Initiés à l’hellénisme par les nestoriens d’Édesse (ainsi que nous l’avons vu en étudiant l’histoire de la Perse) les Arabes connurent aussi Platon car les derniers philosophes platoniciens de l’école d’Athènes exilés par Justinien avaient trouvé asile en Perse mais c’est d’Aristote qu’ils s’éprirent et avec ses œuvres, ce furent celles de Gallien, d’Hippocrate, d’Euclide, d’Archimède qu’ils étudièrent et traduisirent de préférence. Reprenant le travail astronomique des Grecs, ils poussèrent les observations, les calculs, la fabrication des instruments nécessaires… aussi loin qu’ils le purent, se montrant toutefois incapables des hautes spéculations qui avaient permis à un Aristarque de Samos de pressentir tout le système de l’univers. Les mathématiques firent, grâce à eux, de grands progrès ; la trigonométrie et surtout l’algèbre furent à ce point perfectionnées qu’ils en ont souvent passé pour les inventeurs et on leur fait gloire de la numération en usage parmi nous, bien qu’ils n’en soient pas les auteurs, parce qu’ils surent lui donner sa forme ingénieusement simplifiée. Ils eurent des géographes, des agriculteurs, des chimistes, des médecins et dans tous ces domaines — notamment par la culture et l’utilisation des plantes médicinales et industrielles — ils réalisèrent une multitude de ces petits progrès dont la coordination améliore l’existence en augmentant le bien-être.

Y eut-il un art arabe ? On ne saurait le nier. Si la plupart des monuments arabes d’orient ont péri, élevés qu’ils étaient en matériaux trop frêles, ceux d’Espagne ont mieux résisté. Séville, Cordoue, Grenade attestent un goût architectural et une habileté ouvrière extrêmes ; seulement des indices certains permettent de remonter aux origines d’une pensée artistique qui n’est point arabe. Les premiers constructeurs de mosquées avaient simplement