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francais et espagnols en méditerranée

part des seigneurs français qu’il avait rassemblés autour de lui (1311). Athènes fut à demi détruite puis le duché se reconstitua sous la suzeraineté du roi d’Aragon. En 1387 un florentin qui s’était taillé un domaine à Corinthe s’empara de l’acropole. Lui et les siens réussirent à se maintenir jusqu’à la conquête turque en 1458. De semblables épisodes sont comme les miettes de l’histoire. Ils abondent. On ne saurait les conter ni même les mentionner tous. Mais en recueillir quelques uns ici ou là aide parfois à la compréhension des grands événements dans l’ombre desquels ces détails se perdent. Ce qui doit être évité c’est de comparer les uns avec les autres et d’en transposer la très inégale portée.

La principauté d’Achaïe vécut une existence plus banale et moins mouvementée. Les seigneurs de Villehardouin qui la possédèrent lui assurèrent une certaine prospérité. Vers 1390 les Génois s’implantèrent en Élide et le reste du territoire s’émietta en un grand nombre de petits États. De cette domination française la Grèce semble avoir tiré quelque bénéfice moral : le réveil de ses énergies et la confiance en son avenir. Au seuil du joug ottoman, cela ne fut point sans doute dénué d’importance pour elle. Mais, comme nous le verrons, c’est surtout à son église nationale qu’elle dut son admirable constance à travers les trois siècles de servitude qui allaient s’ouvrir pour elle.

iii

Les croisades de Louis IX ont été l’objet de maintes études. Il n’est pas étonnant que les historiens y aient cherché des arrière-pensées. Le bon roi a donné en son règne de telles preuves non seulement de ses hautes vertus mais de sa valeur politique qu’on attribue tout naturellement à ses gestes de croisé de la profondeur et de la sagacité. Mais il apparaît décidément qu’ici la piété et le zèle apostolique furent seuls en cause. Aussi bien, avec les scrupules que nous lui connaissons, peut-on admettre que Louis IX eût consenti à se servir de la croisade dans un dessein politique tel que l’affaiblissement de la féodalité. Et, même du point de vue laïque, y entraîner les seigneurs afin de les amoindrir eût répugné à sa conscience. D’ailleurs il n’est pas certain que la corrélation entre ces expéditions lointaines et l’effritement de l’organisation féodale fut aussi nettement visible alors qu’elle l’est devenue pour nous. Il y a donc toute raison de croire