Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome II, 1926.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
70
histoire universelle

et Ancus Martius, les deux premiers successeurs de Romulus étaient des Sabins. Tarquin l’ancien était, croit-on, fils d’un Hellène naturalisé étrusque. Étrusques aussi Servius Tullius et Tarquin le superbe. Ces princes se trouvèrent, comme nous venons de le dire, en présence d’une aristocratie organisée, résolue, tenace — et d’une plèbe de plus en plus nombreuse, assez justement mécontente de son sort, impulsive et agitée. Ainsi qu’il est si souvent advenu dans l’histoire, ils tendirent à s’assurer l’appui de la plèbe contre les grands. Et ce fut la cause fondamentale de l’hostilité du Sénat à leur égard. Ils ne disparurent pas cependant sans avoir décidé en quelque sorte de l’avenir.

Les initiatives de Servius Tullius constituent le premier grand tournant de l’histoire romaine. Pour en bien saisir l’importance, il faut se rendre compte de la façon dont jusqu’à lui, les rouages publics fonctionnaient et de ce que représentait en premier lieu la gens. On nommait ainsi une réunion des familles descendant d’un ancêtre commun, en l’espèce l’un des fondateurs de Rome. Au temps de Servius, Rome n’était vieille que de deux siècles. Cette aristocratie était donc elle-même d’assez récente date ; elle n’en avait ni moins d’exigences ni plus de souplesse. Nous sommes mal renseignés sur le nombre exact de ces groupements mais nous en connaissons les traits principaux. La gens avait sa vie propre, ses anniversaires, son culte et aussi des intérêts collectifs qu’elle défendait en même temps que les intérêts de chacun de ses membres. Elle se doublait d’une singulière institution qu’on nommait la « clientèle ». Les clients étaient des demi-serviteurs, esclaves affranchis ou affiliés volontaires qui faisaient partie de la famille à un rang inférieur et sans jouir d’aucun des droits du citoyen. Le chef de la famille était pour eux le « patron » qui, en échange de leurs services, les protégeait et, plus ou moins, les entretenait. Le chef de la « gens » siégeait au sénat ; les chefs des familles composant chaque « gens » étaient les « patriciens », seuls en possession des droits de citoyenneté c’est-à-dire pouvant non seulement voter mais acquérir, tester, etc L’assemblée des patriciens portait le nom d’assemblée « curiate » ou de « comices par curies ». Elle édictait certaines lois, nommait aux charges religieuses et, d’autre part, réglait les questions d’héritage, de testament, d’adoption, de possession du sol : questions qui, au regard d’une société fermée et fanatiquement attachée à l’idée de propriété, primaient toutes les autres.

Au sein de cette société qui, certainement, ne se fut pas développée telle quelle et dont la sève se fut promptement tarie,