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apparence mais dont les conséquences furent d’une bien autre portée. Là, dans la région des Apennins, se tenaient des montagnards rudes, indépendants, belliqueux qu’on appelait les Samnites. Pendant cinquante années les Romains s’appliquèrent à les réduire. Et ne pouvant y réussir, ils les exterminèrent. Une véritable terreur régna autour des assaillants qui déployèrent contre les Samnites toutes les ressources de la plus cynique cruauté. Or les Samnites disparus, Rome se trouva en contact direct avec cette partie de l’Italie qu’on appelait la Grande Grèce. Là s’étalaient déjà depuis des siècles, les nombreuses et opulentes cités dont l’émigration hellène avait parsemé la Sicile et les rivages avoisinants. Tarente notamment se sentit menacée par ce pouvoir nouveau qui s’approchait d’elle. À Venouse, en Apulie, Rome ne venait-elle pas d’établir une colonie forte de vingt mille hommes dans le but de surveiller le pays ? Tarente appela à son secours le roi d’Épire, Pyrrhus et entama les hostilités. On était en 280. Il n’y avait pas un demi-siècle qu’Alexandre était mort à Babylone et tout l’orient se trouvait encore dans l’agitation provoquée par les exploits du fabuleux conquérant et par les heurts de sa tragique succession. Plus près il y avait Carthage, en pleine prospérité commerciale. Tout un monde, tout un avenir nouveau s’ouvraient devant les Romains. Ces terriens qui n’avaient eu encore ni le temps ni le goût de regarder au-delà de la mer allaient se trouver brusquement en face de problèmes inattendus et qu’ils étaient mal préparés à solutionner. C’est ici un autre grand tournant de l’histoire romaine. Les réformes de Servius Tullius ont marqué le premier ; la guerre avec Tarente marque le second ; l’entreprise de César marquera le troisième.

Nous venons de voir où en étaient en 280 les forces militaires de la république et combien ces deux siècles de guerres italiennes les avaient grandies et affirmées. Il reste à examiner où en étaient ses forces sociales et comment avait évolué dans cet intervalle le conflit entre la plèbe et l’aristocratie.

L’aristocratie de naissance marchait vers sa prochaine disparition. La « gens » patricienne ne représentait plus qu’un élément insignifiant. Il y avait eu à l’origine peut-être trois cents de ces groupes familiaux. Dès le vme siècle, on n’en comptait plus que soixante et un, et vingt deux au iiime. Par contre, une nouvelle noblesse était en train de se constituer sur les ruines de la première. Elle se composait de tous ceux qui, ayant revêtu les insignes de quelques unes des grandes charges publiques,