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histoire universelle

générale. L’esclave citadin avait plus de raisons d’espérer l’affranchissement ; ce terme trompeur du reste ne désignait qu’une émancipation très relative. Le maître avait souvent intérêt à s’entourer de nombreux affranchis qu’il utilisait de mille façons et qu’il remplaçait par de nouveaux esclaves plus frais et plus résistants car l’influence délétère d’une pareille condition les usait rapidement. Le temps devait venir où les affranchis seraient si nombreux à Rome qu’ils finiraient par l’emporter sur les citoyens d’origine libre mais, à l’époque dont nous parlons, tel n’était point le cas. On s’est souvent demandé si les esclaves, eu égard à leur nombre, n’auraient pu secouer le joug qui les opprimait. Ils le tentèrent. La révolte de l’an 134 permit à un esclave sicilien, Eunus, de réunir sous ses ordres une véritable armée de soixante-dix mille hommes. En 103 l’Italie fut le théâtre d’une semblable rébellion. Il y eût des répercussions en maints endroits mais la possibilité d’organiser véritablement de pareils mouvements faisait défaut ; ils ne donnaient lieu qu’à des troubles sanglants et passagers.

À côté de la richesse territoriale qui reposait d’aplomb sur une extension incessante de l’esclavage, une richesse mobilière et bancaire s’était spontanément développée par suite de l’afflux des capitaux. On s’est essayé à préciser les chiffres ; la chose est malaisée. Du moins savons nous qu’en douze ans de temps, Rome ne leva pas moins de cent cinquante millions de francs de contributions de guerre sur les peuples vaincus. De l’an 208 à l’an 167, le total de ces contributions atteignit un milliard. Il advint qu’à l’issue d’une seule campagne, le vainqueur rapporta quarante-cinq millions : tout cela sans compter les lingots, les pierres précieuses, les objets en or massif dont on faisait rafle — sans compter non plus les gratifications aux soldats que l’on prélevait sur l’ennemi et le pillage auquel ceux-ci se livraient sur place avec l’agrément de leurs chefs.

Ces trésors furent étalés imprudemment aux yeux du public dans les « triomphes », cérémonies dont la pompe se déroulait à travers la ville et le Forum lorsque le général victorieux les parcourait, escorté de ses guerriers, pour monter au Capitole. Cela s’était fait d’abord simplement, en manière de récompense civique puis on y mêla des éléments de curiosité tels que les éléphants de guerre capturés dans le camp de Pyrrhus après sa défaite. Finalement les cortèges se déployèrent avec un luxe croissant, un véritable luxe de parvenus. Lorsque Paul-Émile, après ses victoires de Grèce et de Macédoine, se rendit au Capitole, il était précédé