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le duel anglo-français

elles se reformaient là. Une sorte d’organisation centrale avec secrétaires et trésoriers fonctionna bientôt pour administrer à leur bénéfice le produit de leurs rapines. Du Guesclin était homme à les mâter en les utilisant. Charles v qui savait reconnaître le mérite, le manda à Paris pour lui remettre l’épée de connétable. La modestie du héros égalait sa bravoure : « Suis pauvre chevalier et petit bachelier », dit-il. Le roi qui avec une patience et une sûreté magnifiques préparait la guerre de libération l’encouragea en souriant. Le « prince noir » avait déjà repris les hostilités (1370). Elles durèrent dix ans ; guerre de « chevauchées malheureuses » du côté anglais et de « surprises heureuses » du côté français. On évita les grandes batailles et Du Guesclin profita du désavantage que causait aux Anglais l’obligation d’avoir à la fois deux bases d’opération fort distantes l’une de l’autre, la première sur la Somme et la seconde sur la Garonne. Dès 1377 il ne leur restait plus que Bordeaux, Bayonne, Dax et quelques points du littoral au nord comme Cherbourg et Calais. Édouard iii mourut cette même année. Son fils, le « prince noir » l’avait précédé de peu dans la tombe. Bientôt ce fut le tour de Du Guesclin et de Charles v (1386). Le roi n’avait que quarante quatre ans mais le labeur l’avait usé. Jusqu’à la dernière heure, il pourvut à tout, maître de lui comme il l’avait toujours été. À l’intérieur il n’avait cessé d’opérer des réformes. Rien de nouveau en apparence mais chaque détail avait été révisé en vue d’obtenir des résultats plus efficaces et moins coûteux. L’expérience de sa jeunesse avait inspiré à Charles v une fâcheuse méfiance des États-généraux. Il eut le tort de ne les point convoquer régulièrement, y suppléant toutefois par de fréquentes réunions de notables dont il prenait les avis et auxquels il laissa même, parfois, le soin de désigner son chancelier. Le principe électif ne lui déplaisait point et selon la tradition capétienne, il appréciait les hommes d’humble extraction qui avaient su s’élever par leur propre mérite.

L’Angleterre supporta mal sa défaite. Édouard iii, au cours de son long règne avait fini par l’intéresser à son dessein continental et lui insuffler des idées de grandeur et d’invincibilité. Elle s’était accoutumée de plus à considérer la fertile Normandie et la plantureuse Guyenne comme d’excellentes « colonies » dont