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elle ne pouvait se passer Toutefois le dépit ne se traduisit pas immédiatement par des aspirations belliqueuses et le désir de la revanche. Il se tourna en agitation politique et religieuse. C’était le moment où Wyclef, non content de s’attaquer à la hiérarchie et à la suprématie romaines dirigeait d’acerbes critiques contre l’ordre social. Les « lollards » (semeurs d’ivraie), prêtres pauvres et exaltés s’en allaient par les campagnes, excitant les rancunes populaires et d’autant mieux écoutés que les temps étaient plus durs et les impôts plus lourds. La condamnation de Wyclef rejaillit sur l’université d’Oxford[1] d’où il était sorti. Les « intellectuels » devinrent objet de méfiance et le niveau des études baissa. L’usage de la langue anglaise se répandait dans la nation et Chaucer commençait d’écrire. Mais l’aristocratie qui par tradition parlait encore le français ne s’intéressait guère aux choses de l’esprit. Édouard III en distribuant des titres de ducs et en créant l’ordre de la Jarretière avait exalté sa vanité et élargi le fossé entre les lords et les Communes. Par ailleurs, il s’était efforcé de développer autour de lui quelque élégance mondaine dans la mesure où le rendaient possible les habitudes encore peu raffinées de son entourage. Désormais c’est la cour de France qui allait devenir un centre de luxe et de frivolité.

Ennemi de tout faste inutile, Charles V savait en déployer quand il en était besoin. La visite à Paris de l’empereur d’Allemagne[2] en janvier 1378 avait été l’occasion de fêtes brillantes. Avec le jeune Charles VI il n’y eut pas besoin d’occasions. Ce fut fête tous les jours. Ses oncles, les ducs d’Anjou, de Berri, de Bourgogne et de Bourbon, frères et beau-frère de son père l’y incitaient au grand dam de sa santé ainsi que du trésor public. Se succédèrent mascarades, tournois, divertissements « étranges et fous ». Tout cela provoqua des troubles dans Paris, l’émeute dite des « maillotins » parce que les rebelles s’armaient de maillets. Les nobles firent preuve de pleutrerie ; la bourgeoisie et les universitaires intervinrent et calmèrent l’effervescence.

  1. La date de la fondation de l’Université d’Oxford est douteuse. Rien n’infirme ni ne confirme la tradition de sa création par Alfred le grand. La première charte connue est de 1214, mais l’université est bien plus ancienne. Les centres universitaires se sont souvent fondés d’ailleurs en dehors d’une initiative gouvernementale par l’émigration de maîtres et d’étudiants chassés d’ailleurs par les hommes ou les évènements. Le latin étant la langue universelle de l’enseignement en Europe occidentale, ces transferts s’opéraient sans autres difficultés que des difficultés matérielles.
  2. C’était l’empereur Charles IV, roi de Bohême et fils de ce roi Jean qui aimait tant résider à Paris et que son francophilisme conduisit à se battre à Crécy, bien que devenu aveugle, aux côtés de Philippe VI. Il y avait trouvé la mort.