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un temps on en compta soixante-quatre. « C’était l’anarchie princière » a dit Rambaud. Mais, ajoute Ernest Denis « l’anarchie russe a beau durer, elle paraît toujours accidentelle » voulant indiquer par là que les horizons d’espérance des Slaves sont indéfinis comme ceux de leurs plaines. Parfois surgissait quelque chef supérieur, tel Wladimir Monomaque (1113-1125) celui qu’on a appelé le Marc Aurèle slave à cause de son noble et mélancolique « adieu à la vie ». Puis l’anarchie redoublait. Dix-huit « grands princes » se succédèrent en quarante-quatre ans. Moscou fondée en 1197 prit peu à peu la place de Kiew. Autour d’elle la race se condensait, méditative, indolente peut-être, résignée plutôt, attendant toujours le malheur et toujours prête à le dominer, se nourrissant d’une sorte d’enthousiasme interne, marquant un attachement singulier à son Église et à ses rites, recherchant à la fois le despotisme et la démocratie. La région du haut Volga se colonisait puissamment. En 1220 Nijni Novgorod s’était fondée et déjà le flot russe commençait d’entamer la Sibérie.

Les premiers Mongols qui parurent passèrent. Derrière ceux-là d’autres vinrent qui s’installèrent. On les appelait les gens de la « Horde d’or » parce que la tente du chef était dorée. Ils eurent leur camp principal là où est Tsarof, sur le bas Volga. La Russie vécut sous le joug, se fiant, dans cette grande infortune, à ses princes comme des enfants à leurs pères. Et ceux-ci, en effet, se montrèrent solidaires de leurs sujets au point que des liens se nouèrent entre eux dont les accidents de l’histoire devaient éprouver la solidité. Les tributs étaient lourds, l’humiliation continue. Cent quarante années se passèrent ainsi (1240-1380) dans un rude esclavage. Puis l’énorme remue-ménage provoqué en Asie par les entreprises de Tamerlan (1370-1405) desserra l’étau et la victoire de Koulikovo marqua l’heure de la revanche. Lorsque la tyrannie mongole se fut éloignée, on put voir que la Moscovie en gardait moins de rancune qu’elle n’en éprouvait envers la « sombre Lithuanie » et l’« infidèle Pologne ». Les Russes de l’ouest, pour avoir réclamé la protection lithuanienne lui étaient devenus étrangers. État rural et tout terrien, la Moscovie continuait de regarder vers l’est. Mais elle n’était pas unifiée et le besoin de l’être la travaillait. Ce fut l’œuvre d’Ivan III (1462-1505). La république de Novgorod subsistait bien que déchue de sa précédente fortune. Il assiégea la ville et eut raison de sa résistance. Il réduisit de même les petites républiques de Pskof et de Viatka. Les anciennes principautés de Tver, Rostov, Jaroslaw et Riazan s’effaçaient devant Moscou