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histoire universelle

vint à s’éteindre. Ce fut un prince allemand, Jean de Luxembourg[1] qui se trouva porté au trône. Bien francophile d’ailleurs. Nous l’avons vu faire de la France son séjour favori et devenu aveugle combattre pour elle à Crécy et y trouver la mort. Après lui son fils l’empereur Charles IV, élu roi de Bohême, joua dans ce pays un rôle éminent. La prospérité devint énorme. La beauté et la richesse de Prague attiraient les visiteurs mais les Tchèques que comprimait la force organisée et cohérente des Allemands répandus dans les villes, se plaignaient d’être comme « exilés dans leur propre patrie ». À l’inverse d’Ottokar, souverain tchèque qui s’était appuyé sur les Allemands, Charles IV prince allemand, pencha vers les Tchèques. Il propagea leur langue. En créant le siège archiépiscopal de Prague (1344) il les émancipa du joug des archevêques de Mayence. L’université fondée en 1347 atteignit vite un haut degré de renommée. Pendant deux siècles elle exercerait par ses dix mille étudiants et la valeur de leurs maîtres une attraction considérable. La fondation d’universités rivales, Cracovie (1362), Vienne (1364), Heidelberg (1386), Cologne (1388), Erfurth (1392) ne réussirait pas à atteindre son prestige mais dès la mort de Charles IV (1378) l’université de Prague entra avec véhémence dans le courant réformateur qui se dessinait un peu partout, et surtout dans les milieux universitaires. Paris qui avait d’abord marché de l’avant s’était assagi : Prague prit la tête.

En Bohême la nécessité d’une réforme ecclésiastique s’affirmait. L’Église était en proie à l’ignorance et aux mauvaises mœurs. Le clergé se montrait insolent, refusait l’impôt. Des quantités de couvents captaient la richesse. Le mouvement de réformes s’étendit rapidement ; toute la population s’y intéressa. Parmi ses directeurs, il y eut des nobles, de riches marchands ; la passion populaire se manifesta ; le slavisme apparut sous la forme d’un mysticisme caractérisé. L’action de Jean Huss (1369-1415) vint intensifier tout cela. Sa doctrine s’inspirait des enseignements de Wyclef mais l’esprit en différait. Et chez Jean Huss, l’esprit l’emportait de beaucoup sur la lettre. De plus la haute valeur littéraire de ses discours et de ses écrits apporta au nationalisme tchèque un renfort certain. La prépondérance germanique fut peu à peu éliminée de l’université. Un jour vint où le conflit devait éclater. Deux mille professeurs et étudiants

  1. Jean de Luxembourg avait en Italie rempli un moment les fonctions de « vicaire impérial » poste mal défini et intermittent.