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l’europe à la fin du xve siècle

satisfaction d’ambitions locales. Telles foisonneraient quatre siècles plus tard les universités du Far-west américain. La plupart de ces établissements ne pouvaient distribuer qu’une culture embryonnaire et desséchée. Appréciant ce qui se passait à Vienne de son temps, Æneas Sylvius (Pie II) écrivait : « on s’y occupe d’un fatras de mots inutiles ; la rhétorique, la poésie, l’arithmétique y sont presque entièrement ignorées » ; et il ajoutait malicieusement que tel « savant théologien » avait lu « pendant vingt et un ans le premier chapitre d’Isaïe sans en venir à bout ». Il est peu probable que les choses allassent moins bien à Vienne qu’ailleurs. Aussi les lettres païennes qu’en imitation de l’Italie on cherchait à restaurer sur les bords du Rhin et du Danube n’eussent-elles point suffi à triompher de cette stérilité. Il fallait qu’un esprit différent soufflât. L’esprit se leva en effet comme un vent bienfaisant. Notons ce qu’écrit vers 1460 le cardinal de Cusa. Pour lui non seulement « l’espace est infini n’ayant ni centre ni circonférence » mais encore « l’intellect fini qui n’est pas la vérité ne comprend jamais la vérité d’une façon si précise qu’il ne puisse la saisir avec une précision plus grande » en sorte « qu’il est à la vérité ce qu’est au cercle le polygone inscrit lequel se rapproche d’autant du cercle qu’il a plus d’angles sans jamais pourtant lui devenir égal ». Voilà une idée-force et une parole libératrice. L’évangile du progrès a des apôtres. L’évolutionnisme pourra s’emparer de l’horizon et en chasser la doctrine de stagnation.

La question du profit illimité n’avait pas été l’objet de discussions dogmatiques ni provoqué de condamnation solennelle. On n’en tenait pas moins la chose pour jugée. Malgré les entorses données au principe et de plus en plus aisément tolérées, il demeurait entendu que la vente directe avec léger bénéfice était la seule forme de commerce acceptable par la morale et conforme à la loi divine. Donc l’intermédiaire et le négociant en gros se livraient à des métiers théoriquement condamnables et une même réprobation s’étendait sur eux. On confondait également le simple prêteur avec l’usurier. Tout cela n’avait pas empêché des institutions de crédit de se fonder et de prospérer selon les exigences du mouvement croissant d’affaires qui s’affirmait en occident. Mais à bien des égards ce mouvement rencontrait des entraves suscitées par un préjugé si tenace. Jacques Cœur en fut l’une des dernières victimes en même temps que son aventure marqua le triomphe de la liberté du gain. « Maître des monnaies » et grand « argentier » du roi Charles VII, mais surtout commerçant