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histoire universelle

coutumière — individualiste enfin, individualiste d’une façon excessive et fondamentale si bien que le long des âges ses descendants continueront d’envisager la collectivité à travers leur propre personnalité et de la vouloir servir chacun à sa façon et selon ses goûts.

Dans le monde ancien rien ne ressemble plus à l’Hellène que le Celte. La linguistique établit entre eux une parenté assez proche ; sitôt remis en contact, leurs affinités créèrent entre eux de l’amitié. Mais le Celte évoque l’image d’un Hellène qui au lieu de descendre vers l’équilibre éducateur de la nature méditerranéenne aurait obliqué vers la région des plaines et des forêts immenses, des vallées assombries et des fleuves interminables jusqu’à ces rivages occidentaux qu’ourle le mystère des grands océans brumeux.

De là le druidisme. Ici plus d’analogie. Ni la Grèce, ni Rome ne présentent rien de semblable. Il faut revenir à l’Égypte pour trouver l’équivalent d’une caste sacerdotale si unie et si puissante. Le cadre solennel des forêts où se déroulent avec une grandiose simplicité les rites druidiques, la beauté de certains préceptes, la noblesse de certains gestes dont le souvenir est venu jusqu’à nous risquent de nous égarer sur le compte de ces prêtres blancs qui cueillaient le gui sacré avec la faucille d’or[1]. Il ne faut pas oublier les sacrifices humains trop longtemps perpétrés et qui font sur la robe blanche une tâche sanglante. Pourtant il paraît bien qu’une noble évolution mentale conduisit les Druides à la conception de l’unité divine et de l’immortalité de l’âme, (du moins les principaux d’entre eux et l’élite de leurs fidèles), tandis que la masse restait adonnée, comme partout, à des pratiques simplement superstitieuses. Cicéron relate son entretien avec un Druide de renom venu à Rome et dont il paraît avoir apprécié l’état d’esprit et l’acquis scientifique. Il ne pouvait s’agir de sciences exactes mais sans doute de vérités intuitives produit de la réflexion, de la sagesse et de l’expérience. Les Druides dont l’enseignement était oral ne formaient qu’un seul corps sous l’autorité d’un pontife suprême élu à vie. Chaque année ils tenaient une assemblée plénière dans une forêt sacrée de la région d’Orléans. Dans chaque cité, ils cumulaient les fonctions de prêtres avec celles d’éducateurs, de magistrats et de médecins. Le respect

  1. Les monuments dits « druidiques », menhirs, dolmens, alignements, etc… semblent des restes d’un culte bien antérieur ; ils datent sans doute de l’époque néolithique.