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la race, les états et le génie celtes

général auréolait leur mission et l’excommunication constituait dans leurs mains l’arme la plus redoutable. Car les coupables contre lesquels ils la prononçaient se voyaient en quelque sorte retranchés de la communauté non seulement religieuse mais civile. Ils exhortaient la jeunesse à la bravoure, au mépris de la mort, au respect des lois morales… ils luttèrent contre l’esprit idolâtrique et non sans succès. Qu’on se rappelle l’attitude du chef celte pénétrant dans les sanctuaires de Delphes et son rire dédaigneux devant des dieux de métal et de pierre, enfermés dans un édifice. Mais jusqu’à quel point façonnèrent-ils l’âme celte et déposèrent-ils en elle le germe de ses idéalismes futurs ? Nous n’en savons rien. Ils représentaient le celtisme occidental le plus éloigné, le plus extrême. On s’accorde à considérer leur caste et leurs doctrines comme venues de Grande Bretagne sur le continent et lorsque l’action romaine se prononça contre eux, c’est en Grande Bretagne qu’ils retournèrent chercher un asile et peu à peu s’y éteindre dans le mystère des bois.

Tel était le celtisme à l’heure où les destins de Rome allaient rencontrer les siens. Se trouvait-il en décadence ou en progrès normal ? Les partisans de l’une et l’autre thèse n’ont point fini de se quereller à cet égard car ils y apportent cette sorte d’animosité avec laquelle on dispute sur une question historique lorsque les aspects contradictoires en sont symbolisés par les noms de deux hommes qui furent ennemis. Or César et Vercingétorix soulèvent encore, même hors de France, des sympathies et des antipathies passionnées. En réalité les Celtes, au dernier siècle de l’ère ancienne, avaient bien probablement atteint un point de civilisation au delà duquel il leur eut été difficile de s’élever sans le secours d’un principe extérieur. S’ils avaient été en décadence, la magnifique floraison qui suivit n’eut pu se produire aussi complète ; s’ils avaient été en voie d’évolution nationale, cette floraison eut été contrariée par la résistances de forces issues du sol même ; tandis que l’adhésion du celtisme à la civilisation romaine se produisit avec une ampleur et une spontanéité dont il n’existe guère d’autre exemple et qui montre combien l’instinct celte et l’esprit romain étaient faits pour s’associer. De leur union devait jaillir une flamme qui éclairerait et féconderait les âges à venir.