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de là, à la pousser peu à peu par persuasion vers l’hégémonie romaine de façon à éviter d’avoir à conduire contre les Celtes cette guerre générale que précisément Vercingétorix allait lui imposer. C’est pour cela que César dirigea outre Rhin en 55 une expédition de menace destinée à effrayer les Germains et en 54 eut l’audace d’aller débarquer en Grande Bretagne sur une flotte construite par ses soins après qu’il eût détruit celle des Armoricains[1] qui eût pu lui couper la retraite. Entre temps il lui fallait s’occuper de l’Illyrie comprise également dans sa circonscription proconsulaire et de Rome où la situation continuait d’être fort troublée.

À son retour de Bretagne, César trouva la Gaule centrale en proie à une effervescence dangereuse. Le pays des Carnutes (Chartres) en était l’un des foyers et sans doute les Druides qui y avaient leur principal établissement en étaient-ils les agents les plus actifs. Dans l’état de choses qui se dessinait, la politique intérieure jouait un grand rôle. Chez la plupart des peuples celtes, un parti romain s’était créé en opposition avec un autre parti anti-romain. Le premier groupait généralement les aristocrates et le second, les démocrates. Vercingétorix que sa situation rangeait parmi les partisans de Rome fit au contraire appel aux forces populaires. Il avait vécu six années avec les troupes de César et, distingué par le chef, en avait reçu des marques d’amitié. Mais une conception très noble de la grandeur celte, de l’unité de la race et des destinées nationales l’inspirait. Avec un zèle, un dévouement, une énergie, une éloquence incomparables, il prépara et dirigea la rébellion (52 av. J.-C.). La tâche n’était pas aisée pour le jeune arverne qu’entouraient chez ses propres concitoyens des méfiances et des embûches continuelles. Son succès surprit César et laissa au cœur de celui-ci une rancune sans pardon car c’était tout le vaste plan du proconsul, tout l’avenir de son œuvre gigantesque qui risquaient de sombrer dans cette aventure. Par une manœuvre admirable de coup d’œil et de célérité, César revenu de Rome en toute hâte marcha sur l’Auvergne obligeant Vercingétorix qui avait établi son armée entre la Loire et la Saône à la déplacer. Aussitôt les légions, apportant dans leur mouvement cette souplesse qui les rendait si redoutables, regagnèrent la vallée du Rhône et la remontant à marches forcées, rejoignirent à

  1. Rappelons que l’Armorique était la Bretagne actuelle tandis que le nom de Bretagne était alors donné à l’Angleterre.