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la poussée franque et son échec

fonctionné qu’en Gaule, avec plus de dignité, de prestige, de régularité et aussi d’indépendance. Mais, comme on le sait, les dirigeants élus de la cité — le duumvir ou maire, l’édile qui veillait à l’entretien des édifices et à la voirie, le curateur à qui incombait la gestion financière, etc… — ne recevaient aucune indemnité. Bien plus, il était d’usage qu’ils reconnussent l’honneur qu’on leur faisait (en les investissant de fonctions auxquelles il ne leur était guère permis de se soustraire) par des largesses de tous genres à l’égard de leurs administrés[1]. Au temps de la grande prospérité, ce système qui laissait à l’État la plus forte part des impôts perçus n’avait pas connu d’entraves. Par la suite, les impôts augmentant tandis que la richesse diminuait, on en aperçut l’injustice et les inconvénients. L’administration entra en décadence. Le fisc se fit tyrannique. La population pressurée se tourna tout naturellement vers celui dont l’autorité toute morale grandissait chaque jour, vers l’évêque. L’évêque devint le « défenseur du peuple » et son intervention se manifesta sous des formes diverses. Plus d’un prélat sut à l’heure du péril imposer aux envahisseurs barbares le respect des personnes et des propriétés. Avec le prestige de la fonction montait la valeur de celui qui était appelé à l’exercer. L’épiscopat commença de se recruter dans l’aristocratie de rang sénatorial et parmi les familles les plus en vue. De la sorte tandis que se consolidaient les trônes des princes wisigoths et burgundes, en face de leur puissance s’affirmait celle du haut clergé. Or Wisigoths et Burgundes, nous l’avons vu, appartenaient à l’église arienne. Aux yeux des évêques de la Gaule, ils étaient hérétiques.

Sur ces entrefaites Clovis paraît. Fils illégitime d’un chef de tribu des Francs-saliens et de la femme d’un chef de Thuringe, il succède en 481 à son père Childéric. Il n’était pas au-dessus des autres chefs de tribus voisines mais le mot latin rex (roi), leur était appliqué à tous dans les actes ecclésiastiques ou autres et il est tout de suite visible que le jeune Clovis a l’ambition de se tailler un véritable royaume et de devenir un véritable roi. Il se prépare donc à attaquer Syagrius simplement parce que les terres où ce dernier commande au nom de l’empereur

  1. On cite un citoyen d’Ostie qui, non content d’avoir bâti des temples, un marché, un tribunal et percé une rue à ses frais, invita à deux reprises tous ses concitoyens à dîner en les répartissant dans 217 salles à manger tant les convives se trouvaient nombreux. En Gaule aussi, bien des monuments — tel l’admirable aqueduc dit « pont du Gard » qui existe encore — avaient été construits par la munificence privée.