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le saint empire romain-germanique

avait des partisans ardents de l’élection du souverain ; leurs adversaires tenaient pour l’hérédité. L’élément saxon prétendait imposer sa loi comme le plus fort dans l’empire ; l’élément bavarois, comme le plus ancien. Dans les villes, les corporations s’unissaient pour défendre leurs franchises ou bien se déchiraient entre elles. Des institutions, des coutumes, une législation s’élaboraient qui différaient d’un lieu à l’autre. Cette agitation révélatrice d’une extrême vitalité, eut pu être féconde si les empereurs n’avaient pas été constamment distraits de leur tâche germanique par le souci des affaires d’Italie. Par malheur, les passions qui se donnaient libre cours dans un des deux pays provoquaient aussitôt une répercussion dans l’autre et comme, entre l’Allemagne et l’Italie, nulle similitude mentale ou organique n’existait, ces répercussions empêchaient toute politique réfléchie et suivie. Il y faut ajouter l’orgueil grandissant dont s’imprégnaient de part et d’autre les théories gouvernementales. Nous l’avons déjà vu pour ce qui concerne les papes. Quand, de son côté, Frédéric Barberousse appelait les rois de France et d’Angleterre « reges provinciarum », traitant leurs pays comme des portions de son empire ou bien quand il écrivait à l’empereur grec que « ses prédécesseurs, les glorieux césars romains, lui ont donné le droit de gouverner non seulement l’empire mais le royaume de Grèce » il passait à la fois les bornes de l’outrecuidance et du bon sens. À ce moment là, il n’y avait déjà plus de coopération possible entre le pape et l’empereur autrement que pour des cas isolés et de façon momentanée. Le temps était loin où Sylvestre II et Othon III rêvaient d’un partage amical de l’autorité suprême. Mais du moins aurait-on pu comprendre l’inanité du jeu qui consistait à susciter des anti-papes ou à proclamer la déchéance du souverain régnant. Aucun des antipapes ne l’emporta. En vain, Henri IV, par revanche de l’humiliation que Grégoire VII lui avait infligée à Canossa, conduisit-il le sien à Rome pour l’intrôniser. En vain plus tard Frédéric essaya-t-il d’en faire autant. Il leur fallut céder. Il y avait pour les papes plus de facilité à se conformer aux enseignements donnés par Grégoire VII que pour les empereurs à se tenir dans la ligne tracée par Othon le grand. Autour de ceux-ci, la politique était mouvante tandis que la foi fournissait aux premiers un appui stable : foi des humbles qui restait vivace et naïve et aussi foi des grands que la peur du châtiment mérité par leurs crimes tourmentait généralement au soir de la vie. De là plus de continuité dans l’action pontificale, que celui qui