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histoire universelle

la dirigeait fût un Italien, un Allemand, un Français ou même un Anglais comme Adrien IV, le seul Anglais jamais élevé au rang de « vicaire du Christ ». Le Saint-siège n’eut pas absolument gain de cause dans l’affaire des investitures ; des « compromis » comme celui de Worms (1122) ne signifiaient pas grand’chose. Dans l’ensemble pourtant l’empire fut manifestement le vaincu.

Parmi les empereurs allemands Frédéric Ier dit Barberousse occupe une place à part. Son règne de trente huit années (1152-1190) s’il ne s’est pas soldé en résultats définitifs quant aux faits, marque dans l’évolution des idées servant de base au germanisme, l’étape la plus essentielle. D’abord par la proclamation du droit à l’héritage romain. « C’est en Germanie, répond l’empereur aux envoyés d’Arnaud de Brescia, que réside toute entière aujourd’hui l’antique majesté du peuple romain. » Avant lui on l’a pensé sans doute mais nul n’a osé le déclarer avec cette netteté. Quoiqu’il en soit, les Allemands sont les légataires universels de l’ancien empire ; voilà qui est établi. Cette hantise du passé impérial est telle que lorsqu’un peu plus tard, Philippe de Souabe sera élu, il se tiendra pour le deuxième du nom à cause de ce Philippe l’arabe qui par hasard, mille ans plus tôt, revêtit la pourpre romaine. Dans la façon dont Frédéric manie alternativement ou simultanément le glaive et le parchemin il n’est pas moins intéressant à considérer. Le premier, il aperçoit la valeur éventuelle des titres juridiques et des arguments profitables qu’on en peut extraire. Il entretient des légistes qui commentent et au besoin maquillent les documents quand ils n’en forgent pas de toutes pièces[1]. Tout de même pour achever une entreprise que d’habiles interprétations ont amorcée, il n’a confiance qu’en la force, argument suprême. Cette force doit être hautaine, calculée et froidement impitoyable. Frédéric n’est pas cruel pour le plaisir de l’être ; il ne se complait pas, comme le fera son fils Henri VI, à ordonner d’abominables supplices mais il sait « durcir son visage comme une pierre » selon l’ex-

  1. Tel son chapelain et « notaire », Gottfried plus tard évêque de Viterbe (1184) et connu sous le nom de Godefroi de Viterbe. On le croit l’auteur d’un texte falsifié attribué à Charlemagne et portant que les Germains de l’ouest seraient dorénavant appelés Francs.