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féodale et à la guidance théocratique, les populations, selon le joli mot d’un historien provençal « recherchaient un corps d’État mieux proportionné ». Cette recherche était facilitée par l’étude du droit romain qui se répandait de plus en plus au détriment peut-être du culte de la littérature et de l’art. Il est vrai d’autre part que les nouvelles formes architecturales n’étaient pas faites pour satisfaire la tradition classique entretenue malgré tout par la vue de prestigieux monuments, temples, arènes, arcs triomphaux, mausolées dont les silhouettes encore presque intactes subsistaient en grand nombre.

Le mouvement littéraire qui se développa dans le midi fut surtout d’allures « courtoises », un peu mièvres mais charmantes. Et comme ce genre conquit plus tard toute la France et déborda même de ses frontières, on ne doit pas négliger d’y prêter attention. Tandis que les « trouvères » en langue d’oïl s’essayaient à des genres plus graves — quitte à souvent s’y enliser — les « troubadours » en langue d’oc préparaient les « cours d’amour » et les « jeux floraux ».

Une tourmente imprévue se déchaîna sur le midi et y paralysa soudain tout essor. Elle fut provoquée par une crise religieuse car sur ce terrain également, une effervescence rénovatrice s’était manifestée au sein du peuple français. Depuis longtemps déjà existait un courant hérétique ; il s’était affirmé dès 1025 à Arras, puis à Chalons, à Limoges, à Tours enfin où le fameux Bérenger, rationaliste d’avant-garde, avait osé nier la réalité de l’eucharistie, la ramenant au rang de symbole. Peu après, un professeur de l’université de Paris, Amaury de Bène, avait soutenu que le Saint-Esprit étant présent en chaque chrétien, les sacrements sont inutiles. Quant aux « vaudois » dont le nom venait de leur fondateur, un riche marchand lyonnais, Pierre Valdez, ils repoussaient l’ingérence du prêtre entre Dieu et l’homme. La plupart des sectes ou groupements ainsi créés eurent un caractère social marqué. Un certain nombre condamnaient même le métier militaire et la propriété, atteignant ainsi au niveau des revendications modernes les plus avancées. En même temps, ils réclamaient une réforme totale de l’Église et un retour aux pures doctrines évangéliques. Nous avons vu l’insurrection du xme siècle en Normandie présenter déjà ce double caractère. Par là, le mouvement français se distinguait des hérésies doctrinaires qui avaient agité l’empire byzantin. Il gardait des allures de réaction précise et pratique, un goût marqué pour l’action, pour les