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premier engagement à Montebello et la bataille finale livrée à Solferino, il ne s’écoula que quelques semaines. Alors, brusquement, Napoléon proposa la paix à François-Joseph et la signa à Villafranca sans souci de son allié pour lequel il obtenait seulement la cession de la Lombardie. Venise restait autrichienne. Or n’avait-il pas promis solennellement aux Italiens au début de la guerre de les rendre « libres jusqu’à l’Adriatique » ? Leur colère fut intense. Cavour affecta d’abandonner par dépit la direction des affaires publiques mais c’était pour les mieux diriger et pouvoir utiliser plus librement les insurrections qui éclataient à Florence, à Modène, à Bologne où des gouvernements provisoires s’instituaient en vue de préparer les annexions ultérieures au « royaume d’Italie ».

L’Angleterre s’empressa d’approuver le mouvement. Lord Palmerston, alors premier ministre, voyait avec satisfaction la France engagée dans une aventure où elle ne pouvait plus recueillir que des ennuis et se susciter de la méfiance et des rancunes[1]. Napoléon III se décida donc à reconnaître à son tour le nouvel état de choses dans la péninsule mais il réclama la session à la France de la Savoie et du petit comté de Nice selon les arrangements secrets pris naguère avec Cavour. Ce fut l’objet du traité de Turin (1860). Des plébiscites locaux sanctionnèrent toutes ces modifications territoriales. Restait à résoudre la question napolitaine. Garibaldi s’en chargea. Débarqué en Sicile et bientôt maître de l’île, il ne tarda pas à s’emparer de Naples. Comme il paraissait douteux qu’il y pût maintenir l’ordre, Cavour avec une audace extrême et sous le prétexte de protéger Rome fit mobiliser contre lui. Or pour atteindre les frontières napolitaines, l’armée piémontaise devait traverser la partie orientale des États de l’Église, donc affronter les troupes pontificales. De formation récente, non aguerries mais exaltées par le caractère sacré de leur mission défensive, ces troupes se composaient de volontaires catholiques de pays divers — et principalement de France accourus à l’appel du pape. Un vieux soldat d’Afrique, le général de Lamoricière les commandait. Le choc qui se produisit à Castelfidardo et fut suivi de la capitulation d’Ancone rendit la situation vraiment tragique pour la France dont les traditions séculaires et les intérêts immédiats

  1. Il n’y avait jamais eu à proprement parler d’alliance franco-anglaise mais une sorte d’entente générale superposée à de perpétuelles mésententes de détail. Cela durait ainsi depuis Louis-Philippe. Les deux gouvernements se proclamaient amis mais les deux peuples se tenaient pour ennemis.