Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome IV, 1926.djvu/201

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
197
la confédération helvétique

à la rescousse. Vieux professeurs et jeunes étudiants s’éprenaient des batailles prochaines y voyant les uns, la perspective d’une main-mise complète et définitive sur l’Europe de cette culture germanique seule capable d’« organiser » enfin l’humanité — les autres, un moyen tragique mais salutaire d’arrêter la corruption et l’amoralisme qu’ils sentaient grandir autour d’eux ; car l’Allemagne comme l’Angleterre et plus que la France accusait une régression morale évidente ; lente au début du xxme siècle, cette régression s’accélérait rapidement. Aussi bien les empires centraux se tenaient-ils pour assurés de la coopération italienne et de la neutralité anglaise. Cette dernière donnée influa de façon décisive sur les événements. Le gouvernement français s’en rendait compte. À l’heure suprême, le président Poincaré fit porter en toute urgence un message au roi Georges V adjurant l’Angleterre de donner à cet égard un clair avertissement à l’opinion allemande. Il n’y a plus de doute aujourd’hui que le moindre geste du cabinet britannique eût suffi à empêcher l’ouverture des hostilités. Mais prisonnier de ses faibles prérogatives, le souverain ne crut pas, malgré la solennité des circonstances, pouvoir les dépasser. Il fallut l’invasion de la Belgique pour tirer ses ministres de leur long aveuglement.


LA CONFÉDÉRATION HELVÉTIQUE

Sous sa forme présente, la Confédération helvétique constitue l’achèvement politique le plus parfait qu’ait encore réalisé l’humanité. Plusieurs races, deux religions, trois langues, des traditions multiples, des héritages divers, maintes oppositions d’intérêt ont abouti, de par le seul vouloir des populations, à un amalgame souple et fort sans qu’aient eu à intervenir pour le cimenter la guidance de chefs de génie ou les hasards particulièrement favorables de la fortune. Ailleurs la sagesse additionnée de générations successives a produit d’heureux résultats mais il a fallu pour les confirmer ou les maintenir que de telles interventions se produisissent. Rien de pareil en Suisse. La Suisse est par excellence l’œuvre anonyme d’une collectivité. On y a voulu relever des influences extérieures et, sans doute, il s’en est manifesté au cours de son histoire mais c’est méconnaître le caractère de cette histoire que de ne pas distinguer