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de guerre. Maintenant que l’esclave devenait objet d’exportation, les razzias pour se le procurer représentaient une opération profitable. Sur la côte orientale, c’était depuis longtemps un métier lucratif. Là, échelonnés de Sofala au cap Guardafui étaient les sultanats tels que Mozambique, Quiloa, Zanzibar, Mombassa, que des capitalistes de Mascate, de Chiraz et de Bombay avaient installés — quelques uns dès le xiime siècle — en vue d’exploiter le bétail humain. Par la suite les vaisseaux négriers portugais avaient pris l’habitude de s’y alimenter. Toutefois le marché demeurait restreint. Lorsque l’Europe occidentale commença à s’adonner à la grande colonisation, l’esclavagisme gagna de proche en proche. Une grande partie du malheureux continent en devint la proie ; il sévit violemment sur la côte de l’Atlantique où les souverains de quelques États anciens comme le Dahomey y puisèrent l’occasion d’un regain de richesse.

Les moins atteints par le fléau furent les États bantous du centre. Ils bénéficiaient des circonstances mêmes qui avaient entravé leur développement. Protégés par le rempart de la forêt équatoriale et par un réseau fluvial dont les inondations annuelles les coupaient les uns et les autres, ils étaient demeurés enfermés dans leur autonomie obligatoire. On en a trop vite conclu à la médiocrité de leurs capacités évolutionnistes. Mieux informée, la critique contemporaine tend à reconnaître que si les peuples noirs de l’Afrique offrent sous le rapport de la vie matérielle des diversités qui s’expliquent par les conditions géographiques nullement similaires dans lesquelles ils sont placés, ils présentent par ailleurs « une unité remarquable au point de vue moral et social ». De quoi est faite cette unité ?… Il est sans doute intéressant de constater que ces peuples possèdent pour la plupart des aptitudes artistiques remarquables, que leurs chants de guerre ou d’amour sont expressifs, leurs rythmes originaux, que leur style est imagé, que certaines de leurs langues se recommandent par la richesse et la souplesse, que tels d’entre eux ont inventé des instruments de musique ingénieux, que tels autres ont sculpté l’ivoire et ciselé l’or de façon à éveiller la vive recherche des collectionneurs modernes ; mais ce qui importe avant tout, c’est de pénétrer l’organisation familiale qui les distingue, la conception qu’ils ont de la vie, le secret des croyances qu’ils professent. Sur ce dernier point il semble que le fanatisme soit étranger à leur nature et que lorsqu’il s’est manifesté, la