frémir : elle ressemblait à une sentinelle, de faction entre une poudrière et une meule de foin enflammée. L’on s’était habitué à cette pensée que la conflagration générale tant redoutée aurait son origine autour de Constantinople, et que la question d’Orient contenait en germe tous les maux dont l’Occident se sentait menacé.
La France était tenue, en cette circonstance, à une circonspection toute particulière ; aussi le duc Decazes avait invité nos agents et représentants à observer les règles de la plus stricte neutralité[1] ; il avait néanmoins donné des instructions spéciales à M. de Chaudordy, l’engageant à manifester des sentiments russophiles dans la mesure compatible avec les intérêts généraux du pays. L’Angleterre aussi était demeurée neutre ; quand la déroute des Turcs fut complète et que le traité de San Stefano eut consacré leur défaite, on parut s’apercevoir à Londres qu’on avait trop attendu et on se hâta de réparer le temps perdu ; le gouvernement britannique s’établit à l’île des Princes, en face de Constantinople, menaça d’occuper les Dardanelles, et fit ouvertement des préparatifs de guerre, appelant aux armes les réserves d’Angleterre et transportant à Malte des troupes indiennes. Ne se sentant pas soutenue par l’Allemagne, la Russie dut consentir à soumettre à un Congrès international réuni à Berlin les clauses du traité qu’elle venait d’imposer à la Turquie et dont quelques-unes paraissaient exagérées[2].
Le congrès de Berlin différa grandement de ces confé-