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le ministère jules ferry.

soire, d’échapper aux « combinaisons », d’avoir une politique à suivre, fût-elle médiocre. Les associations industrielles envoyaient des adresses au chef de l’État ; l’Union des Chambres syndicales ouvrières réclamait de lui la constitution d’un ministère « durable, résolu à défendre la République contre toutes les violences, d’où qu’elles viennent, décidé à aboutir », un ministère « qui prenne résolument l’initiative des réformes sociales qui nous sont promises en vain, depuis si longtemps, et qui sache faire considérer la République en Europe et dans le monde entier ».

Jules Ferry était cet homme, résolu à défendre la République et à aboutir. La majorité le vit revenir avec satisfaction, sentant en lui son véritable et, désormais, son unique chef. La minorité était partagée entre la crainte des coups et le plaisir de les rendre. Un ministre de combat répondait à ses instincts de combativité ; et entre tous, elle préférait celui-là auquel du moins on ne pouvait refuser l’estime qu’inspiraient sa vie et la sincérité de ses convictions. Seulement, il demeurait à ses yeux l’homme de l’article 7, l’instigateur de la « persécution religieuse », et de ce passé, si vivement ressenti, elle espérait se venger quelque jour. Dans le pays Jules Ferry n’était point populaire : il était et demeura toujours incompris des masses : à vrai dire, l’impopularité qui s’attacha à son nom dans la suite n’eût pas pu se propager si le peuple avait connu celui qui en était l’objet : mais il l’ignora jusqu’à sa mort, ainsi qu’il arrive souvent aux précurseurs. Nous aurons occasion d’apprécier dans un chapitre ultérieur[1] l’œuvre de Jules

  1. L’éducation nationale. — Jules Ferry fut trois fois ministre de l’instruction publique, du 4 février 1879 au 14 novembre 1881 ; du 30 janvier