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Page:Coubertin - L Evolution Francaise sous la Troisième République, 1896.djvu/170

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le ministère jules ferry.

en Bulgarie, en Serbie, en Roumanie, en Grèce, les tendances germanophiles s’opposaient aux tendances slavophiles, et les esprits étaient tendus dans l’attente de quelque événement qui mit le feu aux poudres.

Sur le terrain colonial l’opposition se sentait plus à l’aise ; la nature même des intérêts mis en jeu, l’éloignement du théâtre des hostilités lui permettaient d’agiter l’opinion et de lui souffler cette « politique de lièvre au gîte qui voit gros et qui voit trouble[1] », dont nos colonies ont tant souffert. Le président du conseil, d’ailleurs, donnait prise à la critique en se montrant sobre de communications ; il avait le sentiment de la nécessité où il se trouvait, pour accomplir son œuvre, d’opérer en quelque sorte à l’insu de la masse, parce qu’il la savait profondément ignorante des choses d’Afrique ou d’Asie et hostile aux entreprises lointaines qui ne se traduisaient pas en profit immédiat. Mais avec un peu plus d’art et d’apparente bonne volonté, en témoignant surtout plus d’empressement à communiquer les nouvelles, il eût pu calmer ses impatiences. Cette fois-là, pourtant, le Parlement, en se réunissant, le 23 octobre 1883, se trouva éclairé par un Exposé de la situation des affaires au Tonkin ; si lumineux, si franc, si précis, qu’il était impossible, en présence des exigences croissantes de la Chine, de refuser au gouvernement l’appui dont il avait besoin[2]. Les crédits furent votés, et l’année se termina par la prise de Son-Tay.

  1. Jules Ferry, Le Tonkin et la mère patrie.
  2. Jules Ferry força en quelque sorte l’extrême gauche à porter à la tribune l’interpellation qu’elle avait annoncée et qui échoua. 325 voix contre 155 votèrent un ordre du jour de pleine confiance. Dans le scrutin pour les crédits du Tonkin, la droite s’abstint. Le maréchal Canrobert au Sénat, Mgr Freppel à la Chambre, votèrent seuls « pour le drapeau ».