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le ministère jules ferry.

rendre auprès de lui pour lui faire agréer les excuses de la France et obtenir qu’il assistât au dîner de gala donné en son honneur à l’Élysée. Le Roi y consentit et demeura à Paris jusqu’au 1er octobre. Ce pénible incident souleva à l’étranger l’indignation, tandis que les bons Français en ressentaient une véritable honte[1].

Jules Ferry ne perdit point son temps en récriminations ; un seul ministre, le général Thibaudin, s’était refusé à aller recevoir le roi d’Espagne à son arrivée : il exigea sa démission immédiate et le remplaça par le général Campenon. La guerre, désormais, était déclarée entre le président du conseil et les radicaux. Ceux-ci organisèrent des réunions tumultueuses, dans lesquelles on vota la mise en accusation du ministère, résolution toute platonique qui devait forcément accroître son crédit auprès des modérés[2]. Le moment, du reste, était mal choisi pour les querelles de parti et les divisions intestines ; une guerre européenne pouvait éclater d’un jour à l’autre. Partout en Orient, la Russie et l’Allemagne se trouvaient en conflit ;

  1. Le désir de renverser le ministère se manifesta à travers les prétendus soucis patriotiques affichés par les organisateurs de la manifestation. La fameuse Petite France de Tours, organe de M. Wilson, gendre du Président de la République, publia des dépêches de son « correspondant spécial » de Mont-sous-Vaudrey, indiquant que M. Grévy se refusait à recevoir le roi d’Espagne et que le président du conseil cherchait à l’y contraindre. On doit noter aussi, bien que la responsabilité de l’incident retombe principalement sur l’extrême gauche, la satisfaction manifestée par certains organes de droite. Le Pays alla jusqu’à faire appel à l’intervention étrangère pour nous sortir du « bouge républicain » et félicita les « heureux mortels » que gouvernait l’empereur d’Allemagne. Cette fois, les haines de parti avaient été assez fortes pour faire oublier la Patrie.
  2. Au Havre, le 14 octobre, Jules Ferry prononça un grand discours dans lequel il se déclara prêt à soutenir la lutte. Les radicaux furent encouragés de leur côté par les succès qu’ils remportèrent dans quatre élections partielles.