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le ministère jules ferry.

Chambre, à l’automne de 1884, qu’au lieu de recueillir ce qu’en d’autres temps on appelait les joies du pouvoir, on ne trouve, en définitive, qu’une lutte de tous les instants et ce qui, pour un cœur bien placé, est la dernière de toutes les amertumes, la tempête des haines déchaînées, les amitiés perdues tout le long du chemin, les calomnies inouïes que rien ne lasse ? Et vous croyez que le pouvoir ainsi disputé a de la vertu et de la valeur par lui-même ? » Depuis sa mort, depuis que le Jules Ferry intime nous est mieux connu, nous devinons en lui une nature délicate dont, comme il l’a dit lui-même avec une sereine mélancolie, « les roses poussaient en dedans ». C’est à présent que s’éclaire d’une lueur sinistre ce long chemin de croix qu’il a dû parcourir. L’attentat dont il faillit être la victime lui causa une moindre douleur que ces insultes incessantes, ces caricatures, cette boue anonyme que Paris jetait sous ses pas. Puis la haine se lassa, l’oubli se fit, et enfin l’heure de la justice sonna. En l’appelant à les présider (1893) pendant les trois dernières semaines de sa vie, les sénateurs rendirent possible cette longue ovation que la France républicaine mena derrière son cercueil ; elle le reconnaissait, enfin, pour un de ses plus nobles enfants, celui qui avait proclamé que « la démocratie et la République sont le point d’arrivée de tout le progrès moderne et doivent concentrer en elles tout ce qu’il y avait de bon, de grand et d’utile dans le passé ».

L’œuvre de Jules Ferry a été triple : il a restauré l’idée du gouvernement parlementaire et l’a affermie ; il a détourné l’activité et l’attention nationales vers les colonies et créé une « France extérieure » ; enfin, il a fait de l’instruc-