Tonkin. On ne le pouvait qu’en construisant une ligne de chemin de fer très coûteuse et en touchant, moralement au moins, à l’intégrité du territoire siamois[1]. La France était en quelque sorte condamnée à intervenir à Bangkok et à y rencontrer l’Angleterre. On sait dans quelles conditions cette intervention s’est produite, comment l’amiral Humann, franchissant la barre du Ménam, est venu imposer au roi de Siam un ultimatum que celui-ci a dû accepter, et comment des négociations se sont ouvertes entre la France et l’Angleterre dans le but de prévenir les conflits redoutables auxquels le contact, les excès de zèle et les ambitions trop ardentes pourraient donner naissance.
Il ne nous appartient pas d’apprécier le bien fondé de certaines réclamations qui se sont produites de part et d’autre, non plus que de louer ou de blâmer la politique suivie dans des circonstances plus récentes encore. L’avenir dira s’il a été sage de faire participer en quelque sorte l’Asie française à des actes de politique exclusivement européenne : il y a là une situation qui peut devenir avantageuse ou dangereuse selon le cours, encore bien imprévu, des événements. Nos possessions d’Afrique touchent à des régions sur lesquelles flottent des pavillons étrangers ; mais l’Asie française est bien autrement exposée ; à proximité de la Chine et du Japon, de l’Australie et de l’Inde anglaise, elle subirait durement les conséquences d’une guerre européenne ; le système d’alliances qui paraît devoir se former en Extrême-Orient est, pour elle, une menace permanente.
- ↑ Le royaume de Siam n’est pas homogène comme l’Annam et le Cambodge ; il comprend bon nombre de principautés plus ou moins indépendantes de la cour de Bangkok.