S’il est impossible de méconnaître la grandeur de l’œuvre coloniale accomplie par la République, il est difficile de n’en pas voir en même temps les côtés défectueux et de n’être pas frappé de ce fait qu’un tel effort aurait dû normalement produire de tout autres résullats. La principale innovation qui ait été introduite dans nos méthodes coloniales, c’est l’application du protectorat. Il a été essayé en Tunisie. Il ne nous y a pas seulement, suivant le mot profond du cardinal Lavigerie, « fait l’économie d’une guerre de religion », il nous a surtout obligés de renoncer à « cet esprit de système, à ce goût des réformes hâtives, des solutions improvisées, à cette manie assimilatrice et révolutionnaire » qui sont, pour les colonies, de pires ennemis que la guerre même et l’hostilité des races conquises. « C’est pour n’avoir su tenir compte ni de la force du passé, ni de la résistance des milieux sociaux, a écrit Jules Ferry[1], c’est pour avoir cru à la vertu universelle et quasi magique de nos lois, de nos institutions, de nos procédés administratifs, que nous avons pris tant de fausses mesures en Algérie. Le protectorat, lui, est modeste ; il n’édifie pas sur une table rase. La métropole, déchargée, grâce à lui, des responsabilités du gouvernement direct, le laisse agir, prendre son temps. Comme on ne lui demande pas de révolution, il n’a pas la tentation d’en faire. C’est dans le milieu même dont la tutelle lui est confiée qu’il est obligé de trouver ses moyens de gouvernement. » On peut assurément conclure que, pour peu que « le protectorat ait des vues arrêtées et suivies et que le système ne
- ↑ Préface écrite par Jules Ferry pour le livre de M. Narcisse Faucon, sur La Tunisie.