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la france coloniale.

remment pour leur en éviter la peine, les moindres éventualités. Il existe une circulaire en date de 1893, adressée aux gouverneurs des colonies, leur prescrivant d’acheter en France tout ce dont ils auraient besoin, avec désignation des villes où les achats doivent être faits : — les briques à Bordeaux et à Marseille, — le porc salé au Havre — la paille et le foin ailleurs. Ainsi « l’Indo-Chine, dont tout le sol est fait de terre à brique et qui produit d’énormes quantités de riz, devait s’approvisionner en France de briques et de riz » ![1] Non seulement on ne pense pas qu’il soit utile à ceux qui appartiennent à l’administration centrale de visiter les colonies, mais on se méfie en général de ceux qui les ont visitées, comme s’ils en avaient nécessairement rapporté des idées subversives, des projets dangereusement audacieux, des vues erronées auxquels échappent ceux qui n’ont point quitté Paris. Il règne dans les bureaux, comme dans toute une portion du Parlement, une sorte d’esprit boulevardier « qui consiste à juger les choses d’Afrique ou d’Asie exactement au même point du vue juridique ou administratif que s’il s’agissait d’une commune de la France métropolitaine ». La concession à une compagnie de colonisation de certains droits sur une vaste étendue de terres incultes cause des sursauts d’indignation comme si l’on parlait « d’aliéner des provinces, telles que la Beauce, la Normandie ou le Languedoc[2] ». Et cette concession, une fois obtenue, ne donne même pas la sécurité aux concessionnaires ; il

  1. J.-L. de Lanessan, La colonisation française en Indo-Chine.
  2. Paul Leroy-Beaulieu, Les Compagnies de colonisation. — Journal des Débats (7 mars 1895).