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la crise (1885-1889).

L’heure présente convenait mal à de pareilles incartades. Un péril grandissait sur lequel les ennemis de la République spéculaient joyeusement. Le 28 février 1888, avaient lieu diverses élections partielles. Le général Boulanger réunit, comme par hasard, 12,500 voix dans la Loire, 11,000 en Maine-et-Loire, 16,000 dans la Marne… des affiches électorales avaient été répandues en son nom ; le journal la Cocarde venait d’être fondé, on ne savait pas avec quel argent ; mais avec quelles intentions, — tout le monde le comprenait. Les distributions d’emblèmes, de portraits, de chansons devenaient chaque jour plus abondantes. Bientôt le bruit se répandit que non seulement le général Boulanger, abandonnant son poste, était venu trois fois à Paris sans permission, mais qu’il avait eu recours, pour le faire, à un déguisement honteux. On ne voulut pas d’abord y croire, tant une semblable conduite paraissait indigne d’un soldat français. Mais il fallut bien se rendre à l’évidence. Le ministre de la guerre mit le général en retrait d’emploi (mars 1888), et tout aussitôt celui-ci, jetant le masque, se montra à Paris entouré de MM. Rochefort, Déroulède, Michelin, Laur, Laisant, Laguerre. Sa candidature posée dans l’Aisne y réunit 45,000 voix, et un « Comité républicain de protestation nationale » se fonda pour exploiter sa popularité.

M. Tirard avait annoncé que Boulanger serait traduit devant un conseil d’enquête composé de ses pairs. Le conseil d’enquête se réunit le 26 mars à l’École militaire, sous la présidence du général Février, et à l’unanimité déclara qu’il y avait lieu d’admettre Boulanger d’office à la retraite. L’opinion n’accepta pas immédiatement ce juge-