Page:Coubertin - L Evolution Francaise sous la Troisième République, 1896.djvu/288

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
267
le triomphe de la république.

plus humbles, avait derrière lui une vie de droiture et de labeur honnête, n’était qualifié pour prononcer ces belles paroles ; mais ils étaient beaucoup qui avaient le droit de les répéter. Dans les démocraties, l’attrait qu’exerce le pouvoir peut amener les hommes à consentir des compromis avec leur conscience et à flatter les passions du peuple, devant lequel, en fin de compte, chacun est responsable. En France, il existe un danger de plus : le pouvoir garde les formes et les apparences de l’état de choses monarchique ; les gouvernants ne reçoivent pas seulement le dépôt de l’autorité ; ils habitent de somptueux palais ; on leur rend des honneurs ; ils échappent, en quelque sorte, à leur milieu habituel, et tout le temps que durent les fonctions à eux dévolues par la majorité dont ils sont les délégués, leur existence matérielle est embellie et transformée ; ce sont là des avantages auxquels il est dans la nature humaine de s’accoutumer rapidement et de renoncer avec peine. Si l’on fait le compte de ceux qui ont abandonné sans hésitation, sinon sans regret, les lambris dorés des demeures officielles pour reprendre une vie étroite et modeste, on verra que la troisième République a été servie avec un désintéressement que bien des monarchies n’ont pas connu.

La manie des délations s’éteignit avec l’affaire dite des faux papiers. Le journal la Cocarde annonça un jour à grand fracas qu’il se trouvait en possession de documents des plus graves soustraits à l’ambassade d’Angleterre : la rédaction donnait même à entendre que le vol avait été organisé par ses soins. Naïvement, M. Millevoye porta à la tribune de la Chambre lesdits documents et en donna