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la république et l’église.

auraient été échangées entre les ministres du culte et les gouvernants. Ceux-ci aidaient à l’œuvre de pacification, mais négativement, et le Souverain Pontife se rendait compte maintenant que seul, comme le lui avait écrit M. Grévy, il y pouvait travailler activement et efficacement[1]. De temps à autre survenait une crise qui déjouait ses plans ; le boulangisme faillit en compromettre définitivement le succès, à cause des suffrages cléricaux qu’il avait ralliés. Malgré cela, le moment psychologique était venu : attendre davantage, c’était s’exposer à le manquer, et peut-être irrémédiablement.

Le 12 novembre 1890, le cardiral Lavigerie, archevêque de Carthage et d’Alger, primat d’Afrique, recevait, en son palais épiscopal, l’amiral Charles Duperré et les officiers de son escadre. À l’issue du diner qu’il offrit à ses hôtes, il prit la parole, et en quelques mots brefs et résolus

  1. Il s’agit d’une lettre adressée à Léon xiii au mois de juin 1883 par le Président de la République en réponse à celle qu’il avait reçue du Pape ; cette correspondance, demeurée secrète, ne fut connue qu’après la mort de M. Grévy : on considéra qu’elle faisait honneur à son tact et à sa perspicacité. Le Pape avait demandé au Président d’intervenir dans la mesure du possible, pour arrêter le progrès des idées antireligieuses. « Votre Sainteté, répondit-il, se plaint avec juste raison des passions antireligieuses ; il en existe certainement, à côté des sentiments opposés de la grande majorité des Français ; mais ces passions que je repousse, peut-on méconnaître qu’elles sont nées principalement de l’attitude hostile du clergé à l’égard de la République, soit à son avènement, soit dans les luttes qu’elle a eu, depuis, à soutenir pour son existence, soit dans celles qu’elle soutient encore journellement contre ses mortels ennemis ? Dans ce funeste conflit de passions contraires, je ne puis malheureusement que fort peu sur les ennemis de l’Église : Votre Sainteté peut beaucoup sur les ennemis de la République. Si Elle daignait les maintenir dans cette neutralité politique qui est la grande et sage pensée de son pontificat, Elle nous ferait faire un pas décisif vers cet apaisement si désirable. » On remarquera que cette lettre a été écrité au printemps de 1883, et que celle de Léon xiii aux évêques français, dont il est fait mention ci-dessus, porte la date du 8 février 1884.