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la république et l’église.

il stigmatisa la conduite des soi-disant conservateurs qui « donnent aux ennemis qui nous observent le spectacle de nos ambitions et de nos haines et jettent dans le cœur de la France le découragement, précurseur des dernières catastrophes ». Pour mieux dégager le sens des paroles du prélat, la musique des Pères Blancs joua la Marseillaise. Ce détail, lorsqu’il fut connu, causa plus de surprise encore que le discours lui-même. La Marseillaise demeurait, pour les conservateurs, l’hymne sanguinaire, l’écho de la guillotine ; beaucoup de républicains avaient hésité longtemps à l’accepter comme chant national. Depuis 1889, on s’était accoutumé à l’entendre fréquemment, mais nul ne se doutait que la République fût si près de l’imposer à l’Europe. Les royalistes furent déconcertés ; ils avaient cru d’abord à une boutade ; mais en voyant le cardinal accentuer encore ses déclarations dans une lettre aux prêtres placés sous ses ordres, ils eurent l’impression qu’il y avait là un acte réfléchi et raisonné, autorisé sans doute par le Pape. Ils pensèrent toutefois que la curie romaine, toujours prudente, s’en tiendrait, pour le moment du moins, à cet avertissement ; leur illusion fut de courte durée. Bientôt parut une lettre d’approbation adressée par le cardinal Rampolla « à un évêque français ». Le caractère doctrinal et impersonnel du document ne lui enlevait rien de son importance.

Ces événements ne tardèrent pas à porter leurs fruits. Les désirs d’apaisement se firent jour dans les discours d’ouverture des conseils généraux (session d’août), et, à la rentrée des Chambres, on vit enfin se constituer cette droite républicaine dont il était, depuis si longtemps,