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la république et l’église.

question ; elle ne portait encore que le nom d’« indépendante », et le programme rédigé par son chef, M. Jacques Piou, était plein de lacunes et de réticences ; mais l’élan était donné. On vit, en même temps, reparaître ce projet de « parti catholique » conçu par Lamennais et Montalembert, et qu’en 1853 Mgr Guibert[1] avait combattu dans un mandement demeuré célèbre. MM. Chesnelong, Keller, de Mackau fondèrent avec M. de Mun[2] et le cardinal Richard, archevêque de Paris, « l’union de la France chrétienne » qui devait en former l’embryon. Les monarchistes se sentant atteints essayèrent, eux, de séparer leur cause de celle de l’Église, afin de masquer ce que l’Église cherchait à faire de son côté. M. d’Haussonville à Toulouse, et M. Hervé dans le Soleil, reprirent à leur compte la formule de Gambetta, et répudièrent le « gouvernement des curés ». Il devint de mode d’établir une distinction que le Syllabus n’avait point prévue, entre le Pape parlant religion et digne d’être écouté et le Pape parlant politique et ne méritant aucune attenion.

Au printemps de 1891 parut la célèbre encyclique Rerum novarum. L’évolution sociale se dessinait à côté de l’évolution politique ; à vrai dire, la première était de beaucoup la plus ancienne. Le « socialisme chrétien » avait, dès longtemps, fait des recrues parmi les Français, et ses progrès avaient été assez rapides et assez importants pour amener Mgr Freppel, MM. Lucien Brun, Claudio Jannet

  1. Depuis archevêque de Paris.
  2. M. de Mun avait déjà cherché, au lendemain des élections de 1885, à fonder un parti catholique : mais il ne rencontra, pour l’aider dans cette tâche, ni l’appui des conservateurs grisés par leur demi-victoire, ni la bonne volonté du clergé.