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l’éducation.

prit ne faut-il pas être doué ? Quelles connaissances étendues ne faut-il pas posséder ? Voilà pourtant ce qu’on demande à de tout jeunes gens à peine dégrossis par leur passage à l’école normale d’instituteurs et qui seraient à peine en état de recevoir eux-mêmes l’enseignement si délicat qu’on les charge de donner à d’autres. Pour bâtir les écoles qui manquaient, les représentants de la nation n’ont pas ménagé les deniers publics[1] ; leur zèle s’est souvent traduit par des dépenses exagérées et un luxe inutile ; nul ne songerait, cependant, à critiquer les « palais scolaires » qu’ils ont élevés si l’on était certain que lesdits palais servent à former les citoyens que souhaitait Gambetta. Or, il ne suffisait pas de bâtir des écoles ni même de rédiger des programmes ; il fallait encore former des éducateurs ; on n’y a point songé ou, du moins, on n’y a guère réussi ; dans les programmes, on a fait une place à l’enseignement moral et civique, sans s’aviser qu’il ne suffit pas d’être honnête et patriote pour enseigner le patriotisme et l’honnêteté.

Les jeunes instituteurs qui sont venus en foule proposer leurs services possèdent, en général, une instruction d’ensemble incertaine, un jugement léger et facilement téméraire, une culture morale incomplète et une éducation professionnelle presque nulle. « Les études trop rapides, a dit un directeur d’école normale, sont fatalement superficielles ; aucune affirmation du maître ou des manuels ne peut être soumise à un sérieux contrôle. L’élève n’aperçoit jamais qu’une face des choses, celle qu’on lui présente…

  1. Le budget de l’instruction publique pour 1893 était de 176 millions, sur lesquels 125 millions pour l’enseignement primaire.