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les premières années

un grand citoyen. Il avait au front l’auréole de la sagesse, et la France sentit qu’elle avait là une autorité morale qui forcerait le respect. M. Thiers fut élu vingt-huit fois, et le retentissement de ce plébiscite hors de nos frontières fut d’autant plus considérable qu’on ne pouvait en méconnaître la spontanéité[1].

Les élections eurent lieu, en effet, dans une sorte de crépuscule. Les partis n’avaient guère en le temps de se reconstituer ; l’entente entre les citoyens n’avait pas été possible ; comment se mettre d’accord sur les noms des candidats et rédiger des programmes précis ? Chacun, en briguant les sulfrages, ne pouvait que donner sa propre opinion et promettre son bon vouloir. Les communications mal rétablies et la présence de l’ennemi devaient nécessairement tenir la politique écartée de cette grande consultation électorale, et on put croire, au premier moment, qu’il en résulterait un bien pour le pays. Un heureux éclectisme était en effet la note dominante des élections. Lyon envoyait en même temps Jules Favre, le général Trochu, MM. de Mortemart et de Laprade ; Bordeaux, M. Thiers, le duc Decazes, les généraux Changarnier et d’Aurelle de Paladines. Ceux-là n’avaient en vue que de liquider le mieux possible une situation désastreuse et d’entourer ensuite de tous leurs soins la convalescence de la patrie. Une fois la paix signée et les premières difficultés financières qui en résulteraient résolues, n’était-il pas bien simple le programme qui s’offrirait aux hommes de bonne

  1. En 1830, M. Royer-Collard avait été élu sept fois, et neuf fois M. de Lamartine, en 1848. Les électeurs de 1795 avaient donné à M. Pelet, de la Lozère, l’élection dans trente-sept collèges, et dans trente-deux à M. Thibaudeau.